Le dossier Polyphonies syriennes va à la rencontre d'écrivains, d'intellectuels et d'artistes venus de Syrie à Paris : retrouvez un nouveau portrait tous les lundis et vendredis sur nonfiction.fr.

Prêter attention aux voix de ces exilés syriens de Paris – qu’ils soient là depuis longtemps ou qu’ils soient arrivés depuis 2011 –, c’est trouver auprès d’eux des éléments de réponses à la question « Comment en sommes-nous arrivés là ? ».

Les écrivains qui ont fui la Syrie ont laissé derrière eux la dictature mais emporté leur langue dans leurs bagages, leur bien le plus précieux.  

 

Samar Yazbek, phare d'une génération

Samar Yazbek, née à Jablé sur la côte méditerranéenne en 1970, est sans doute l'écrivaine syrienne la plus importante de sa génération. Elle a publié quatre romans, deux recueils de nouvelles et plusieurs scenarii de films dans son pays. Elle s’exprimait régulièrement dans la presse arabe avant la révolution, elle a continué à le faire dans les premières semaines du soulèvement. Ses récits, au ton et au style très personnels – repris par la grande presse à l’Ouest –, ne passent pas inaperçus du régime, qui lui reproche de trahir la communauté des Alaouites à laquelle elle appartient par sa famille. Elle est directement menacée. Sa fille aussi. Elle décide de la mettre à l’abri et se réfugie avec elle à Paris en juillet 2011.

 

 

 « En mars 2011, nous marchions, nous “volions”, au milieu des morts. Nous avions perdu conscience que nous vivions toujours sous la dictature. »

Samar Yazbek, à Paris le 14 février 2015

 

La journaliste

Quand j’ai lu les premiers textes de Samar Yazbek repris dans la presse européenne, au début du soulèvement en Syrie, j’ai eu un choc devant la réalité qu’elle décrivait, la langue qu’elle forgeait pour la dire et la façon dont elle se mettait en danger pour témoigner. Ses récits de choses vues à Damas et dans les centres de détention du régime m’ont hantée et m’ont préparée à ce qui allait suivre. Morceaux choisis.

 

« Damas est plus belle la nuit, telle une femme après l’amour »

 « Il n’y a que ma conscience pour protéger les désarmés. Je me fiche que les “islamistes modérés”, comme on dit, soient l’alternative au pouvoir actuel, je me fiche du visage des tueurs ou même de toutes les rumeurs et des mensonges. Ce qui m’importe, c’est de ne pas être un diable silencieux alors que le sang devient la langue dans laquelle on s’exprime. Ce qui m’importe, c’est que je vois de mes propres yeux des gens désarmés se faire frapper, arrêter et même tuer simplement pour avoir manifesté. Je vois les fils de mon peuple tomber les uns après les autres comme des pêches tombées de l’arbre avant maturité. 

Mon chauffeur s’est transformé en tuteur moralisateur. Il me dit que la route de Douma est coupée. Quand je lui demande si la localité est encerclée elle aussi, il me répond : “Ne m’en demande pas plus ma sœur, je n’ai rien à voir là-dedans !” 

L'armée est sur place et des coups de feu ont été entendus, m'apprend-il. 

"Mais qu’en pensez-vous ? Que se passe-t-il ?

- Je n'en pense rien. J'arrive à peine à survivre. 

- Mais des gens sont en train de mourir...

- On va tous mourir un jour. Paix à leur âme.

- Que feriez-vous si l'un de vos enfants était tué ?

- La Terre entière ne suffirait pas à m'en consoler !" me dit le chauffeur après un moment de silence. 

J’ai entendu dire que l’un des jeunes tués à Deraa avait été jeté, encore vivant, dans une chambre froide et, quand ils ont sorti son corps, ils ont vu qu’il avait écrit avec son sang : “J’étais vivant quand on m’a mis là, ne le dites pas à ma mère.” 

“J’espère que ce n’est pas vrai”, dit le chauffeur en hochant la tête dans un soupir. Nous sommes arrivés devant chez moi. Je tremble. Je vois que le sang appelle le sang. Je vois un trou béant de vie, un trou plus grand que l’existence. Je le vois sur la poitrine des martyrs, sans que je voie les visages des tueurs. Une fois chez moi, je vais infiltrer le sommeil des tueurs et leur demander s’ils ont aperçu le trou de vie quand ils ont visé avec leurs balles ces poitrines dénudées et sans défense ! »

Publié par Al Raee, le 5 mai 2011, traduit par Courrier international et publié dans le numéro 1070 du 5 au 11 mai 2011.

 

 « Je n’ai jamais entendu de semblables cris de douleur »

Quatre fois de suite, un officier des renseignements envoie ses sbires chercher Samar Yazbek pour l’emmener « visiter » des centres de détention à Damas même ou dans la banlieue de Kfar Sousseh, « descentes aux enfers » dont elle témoigne dans un texte qui paraît d’abord dans le Guardian le 3 août 2011 puis dans Libération le 10. Première cellule : « j’ai vu des jeunes hommes qui avaient à peine la vingtaine, leur corps dénudé, reconnaissables sous leur sang, suspendus par leurs mains à des menottes en acier, leurs orteils touchant difficilement le sol… […] Le visage affaissé, ils étaient évanouis, semblables à des bêtes immolées. »

Deuxième cellule : « Je n’ai jamais entendu de semblables cris de douleur, ils montaient du plus profond de la terre pour se vriller dans mon cœur. » De cachot en cellule. « Des corps encore des corps, des amas de corps, des corps jetés à terre derrière des corps recroquevillés : c’est l’enfer. Comme si les humains n’étaient plus que des monceaux de viande exposés au marché des arts de la torture. »

La notion de Dieu disparaît, avoue-t-elle, comme les rescapés des camps nazis l’avaient écrit avant elle, car si Dieu existait, il ne permettrait pas que sa créature soit avilie et défigurée à ce point.

 

« Dieu, nous n’avons plus que toi ! »

Une fois en France, elle confie le 1er octobre 2011 un texte au quotidien arabophone établi à Londres Al-Hayat sur la religiosité de la majorité des Syriens, qui ne signifie pas allégeance à l’islam politique, encore moins à l’islamisme radical. Pour elle, l’aspiration à la liberté est liée à la croyance populaire dans le Tout-Puissant, seul recours possible. «“Dieu, nous n’avons plus que toi !“ ou “Nous ne nous agenouillons que devant Dieu” ! sont des slogans que l’on entend de plus en plus dans les manifestations. Mais ces appels lancés au milieu de foules où s’entremêlent des bras levés s’apparentent à une célébration rituelle telles les danses des communautés humaines primitives qui affrontaient les dangers de la nature et la mort. Ils se réfèrent précisément à ce que Claude Lévi-Strauss qualifie de mémoire collective de l’instinct de survie, à travers des rites carnavalesques qui varient d’une époque à l’autre et d’une civilisation à l’autre. »

« Dans leur recours à Dieu, devenu le seul espoir contre la tyrannie, dans leur appel “Allah Akbar !”(Dieu est le plus grand !), les Syriens demandent l’aide du puissant punisseur contre le régime bourreau et tueur car ils n’ont à offrir que leurs poitrines nues et leur vie pour leur liberté. Ceux qui veulent voir dans ces appels rituels au secours de simples symboles religieux confirmant leurs craintes que la révolution ne tombe dans le piège de l’extrémisme islamiste ignorent les réalités de la société syrienne. La question des slogans rappelle dans une large mesure les premiers temps de la révolte, quand la protestation, partie des mosquées, a été perçue comme d’inspiration islamiste. La réalité est tout autre, puisque la mosquée reste en effet le seul lieu de rassemblement possible pour échapper au contrôle des services de sécurité. »

 

L’exil

Sa première intervention publique à la mairie du IIIe arrondissement de Paris, le 29 novembre 2011, accompagnée de la journaliste Hala Kodmani, qui traduit ses propos, Samar Yazbek la consacre aux femmes, pour rendre hommage à toutes celles qu’elle a laissées derrière elle.

 

Les femmes dans la révolution

« Les Syriennes ont obtenu le droit de vote en 1949 alors que les Turques l’ont depuis 1918 [et les Françaises depuis 1944 NDLR]. Le mouvement féministe en Syrie a été créé par une femme d’origine algérienne dans ces années-là. Les femmes ont été instrumentalisées par le parti Baath quand il est arrivé au pouvoir en 1963. En soutien à l’Égypte et à la Libye, des groupes de jeunes femmes se sont mis en mouvement en 2011. »

« Les femmes ont été très présentes, dès le départ, dans les Comités locaux de coordination. Elles venaient de toutes les confessions, de tous les milieux mais surtout de la classe moyenne éduquée. Après le soulèvement de Deraa, elles se sont impliquées dans la défense des prisonniers politiques – à l’instar de Razan Zeitouneh, l’une des activistes les plus brillantes – et la circulation de l’information, notamment à travers les vidéos postées sur YouTube et Facebook. Au début du mouvement de protestation, les femmes étaient plus nombreuses ; avec l’accroissement de la répression, leur nombre a diminué. Le viol est un des moyens de pression les plus forts contre les activistes. Enlever leurs femmes, leurs sœurs est une façon d’entraîner la population dans une spirale de violence. »

« Il y a évidemment une différence entre les villes et les campagnes où le conservatisme est plus fort. À Douma, la musulmane, à l’est de Damas, lors d’un rassemblement, j’ai assisté à une scène étonnante : les hommes ont enjoint leurs femmes de rentrer à la maison. Les femmes, complètement voilées, ont refusé de bouger. Elles ont défié leurs hommes comme les moukhabarat [les services de renseignement]. Le vendredi suivant, j’y suis retournée. Les femmes étaient là ; les hommes avaient accepté leur présence. À Damas, les manifestations étaient souvent volantes : nous n’avions pas le temps de filmer avant l’intervention des forces de sécurité. Cependant, après la répression à Deraa, il y a eu des manifestations au centre de Damas où se côtoyaient des femmes de toutes les apparences et de tous les âges. Dans les quartiers populaires, où règne un grand conservatisme social, de très jeunes militantes non voilées lançaient des slogans contre les pièges du communautarisme. »

« Beaucoup de femmes juristes, médecins, travailleuses sociales se sont engagées dans l’aide sanitaire aux blessés. Elles envoyaient des délégations de différentes communautés pour contrer la propagande du régime chez les familles des victimes et ont créé un Fonds de secours pour les familles de martyrs. Malgré mes appréhensions, je suis confiante : la séparation du religieux par rapport au politique se fera. Les femmes sauront préserver leurs acquis et sauvegarder leur statut. Le défi sera, après la révolution, d’arracher de nouveaux droits face à la montée islamiste. Je pense à l’Iran, à la Tunisie. »

 

©MohammadOmran, Martyrs
 

 

La littérature comme une arme

Six mois plus tard, le 10 mai 2012, c’est l’écrivaine Samar Yazbek qui est cette fois invitée à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris, accompagnée de sa traductrice Rania Samara, agrégée d’arabe et professeure de littérature à Paris III, qui a une formule magnifique pour résumer sa conception de la traduction : « Quand je traduis, j’adapte les textes, et je les adopte ».

Cette dernière rappelle à grands traits les spécificités de la scène littéraire et artistique syrienne. « À l’époque du « réalisme socialiste », les écrivains restent en marge du système pour éviter la censure et l’autocensure. C’est le cas de Khaled Khalifa, auteur d’Éloge de la haine (2011), et de Rosa Yassin Hassan dont les textes sont biffés par la censure.

La Coquille de Moustafa Khalifé (2007), qui se rattache au genre de la littérature de témoignage sur l’univers carcéral, est publiée en français avant d’être publiée en arabe et n’est pas en librairie en Syrie. Tous ces écrivains ont préparé le terrain de la révolution. Seules les femmes romancières ont franchi le pas.

Ainsi Samar Yazbek a voulu documenter la révolte en publiant, dans l’urgence, Feux croisés. Journal de la révolution syrienne, que j’ai traduit. »

À la question « la littérature peut-elle changer le réel ? », Samar Yazbek répond « non » de façon catégorique. « Cependant, nuance-t-elle, je suis entrée dans la révolution par la littérature. D’autres intellectuels ont choisi le silence pour rester à l’intérieur de la Syrie. Avant la révolution, j’ai rencontré un groupe de jeunes qui travaillaient sur l’évolution de la société syrienne. Aujourd’hui, ils sont ou exilés ou emprisonnés. Mais les intellectuels ne sont pas à l’origine de la révolution. La manifestation du 15 février 2011, devant le Parlement à Damas, a été un véritable échec car nous étions seulement une poignée d’écrivains et d’intellectuels. Le 16 mars, lors de la manifestation pour demander la libération des militants emprisonnés, je n’étais plus une écrivaine, j’étais une manifestante. Cette manifestation a bouleversé ma vie. Complètement. Face à la répression qui touchait mes amis, quelque chose a changé en moi, dans mon rapport à l’écriture. Avant, j’avais un rapport nihiliste à l’existence. Ce jour-là, je me suis demandé si les mots peuvent changer le réel. Je suis sortie de la bouteille où ma vie était enfermée. Les premiers mois de la révolution, je les appelle “les beaux temps”. Il n’y avait pas autant de sang que dans les mois qui ont suivi. Ce jour-là, j’ai décidé d’enregistrer toutes les scènes auxquelles j’assistais. Je n’étais pas en pleine possession de mes moyens, à cause de la peur, de la terreur. Je suis désormais consciente que les mots, la littérature sont une arme. Je travaille actuellement avec cinq ou six jeunes gens qui vont écrire leur vécu et leur expérience de la révolution pour répondre à la propagande et aux mensonges du régime. »

« Est-ce que j’aurais mieux fait de me taire, d’écrire des romans et de rester en Syrie ? Depuis que le sang a tellement coulé, mon rapport à la révolution a aussi changé. En ce moment, je ne m’investis pas dans l’écriture mais dans l’aide [humanitaire NDLR]. Je suis passée de l’appartenance à la littérature à l’engagement. » En conclusion, elle revient sur La Coquille : « la prison n’est pas un lieu à part. C’est une métaphore de la société tout entière dans une dictature qui pratique la barbarie ».

 

Retour sur un itinéraire et retour au roman

Entretien avec la cinéaste Hala Alabdalla, le 14 février 2015, à l’Institut des cultures d’Islam (ICI).

Elles se connaissent depuis longtemps, elles ont milité dans le même parti d’extrême-gauche à une époque, Hala Alabdalla l’a filmée chez elle à Damas pour un documentaire consacré à la censure, Comme si nous attrapions un cobra, 2012. Alors, pour elle, Samar Yazbek accepte de revenir sur son itinéraire et d’expliquer comment l’exil l’a poussée à se tourner à nouveau vers le roman.

 

Une vocation précoce

« Dès cinq ans, je me présentais comme une écrivaine et à seize ans, je suis partie de la maison familiale pour vivre ailleurs et créer un monde à moi. J’étais en révolte contre ma famille, j’étais une rebelle. J’ai quitté le pays, je me suis mariée, j’ai continué d’écrire ailleurs. Ça a été un grand échec. Alors j’ai décidé de rentrer en Syrie pour écrire de l’intérieur. »

« Mon premier roman, La fille du ciel, [2002,non traduit NDLR] était une sorte de coup d’État de l’instant ; Un parfum de cannelle, lui, paru en 2007, [traduit par Houda Ayoub et Hélène Boisson et publié chez Buchet/Chastel en 2013 NDLR] évoque une relation sexuelle entre deux femmes mais aussi la tristesse du peuple des faubourgs dans la ceinture de pauvreté qui entoure Damas, annonciatrice de la révolution. Je suis en guerre contre les tabous dans une société corsetée de tabous. Pour vivre dans un monde plus juste, nous avons besoin de la littérature, de l’art, de la beauté. Le livre a été mal reçu. Je ne veux pas m’appesantir sur la réception injuste du public car je revendique une liberté totale en tant qu’artiste. »

 

Littérature et politique

« J’ai quitté le Parti d’action communiste mais je suis restée une rebelle et une opposante. À dire vrai, je n’aime pas la politique. Elle est présente dans mes livres, j’en parle même sans y penser à cause du contexte de la région. Je ne peux pas m’en détourner, j’appartiens à cette société, j’ai des responsabilités vis-à-vis d’elle. J’écris comme je vis. En 2011, j’étais en train d’écrire un roman quand le soulèvement a éclaté. Je suis allée dans la rue. J’ai décidé de témoigner. C’était une nécessité physique. »

« Pour moi, le roman est une façon de revivre et de réécrire l’histoire des gens qui vivent en marge de la société. Dans trois romans sur quatre, je parle des militaires, de la répression, de gens écrasés… Je compte sur mes personnages pour aller droit au but. Ma forme d’engagement, c’est la réalité que je décris dans mes romans. C’est la ligne politique à laquelle je me tiens. »

« Dans mes quatre romans, les héros sont des héroïnes. J’invite mes lecteurs à voir les femmes autrement à travers mes yeux à moi alors que les intellectuels hommes répètent l’oppression dans leurs relations avec les femmes. Dans le roman inachevé que j’écrivais en 2011, j’avais imaginé une femme d’un certain âge qui dirigeait une maison de prostitution. Survenaient les coups d’État de 1963 puis de 1970. La petite-fille de cette femme nous amenait à la fin des années 2000. J’ai laissé mon manuscrit en plan début 2011 et j’ai arrêté d’écrire de la littérature. »

« En mars 2011, nous marchions, nous “volions”, au milieu des morts. Nous avions perdu conscience que nous vivions toujours sous la dictature. Cette force qui mène le monde était en nous. Les torrents de sang ne nous arrêtaient pas. J’ai écrit alors “je me sens appartenir à quelque chose pour la première fois de ma vie”. En fait, j’avais besoin de l’intifada (soulèvement) plus qu’elle n’avait besoin de moi. C’était très difficile pour moi, quand je suis arrivée à Paris, de vivre en sachant que d’autres là-bas mouraient. C’est pourquoi j’ai décidé de travailler sur les quatre premiers mois de la révolution, travail qui a abouti à Feux croisés.

« En 2012-2013, je suis repartie dans le nord de la Syrie, en traversant clandestinement la frontière, au nom de l’association Women Now (Femmes maintenant) que j’ai créée pour venir en aide aux femmes. J’étais complètement éloignée de la littérature, j’étais de nouveau une militante sur le terrain. Au nord d’Idlib, j’ai vu les gens continuer à vivre, le régime continuer à tuer, l’extrémisme religieux venant de l’extérieur faire son apparition, Daech [acronyme arabe du groupe État islamique NDLR] occuper le terrain. Mon premier objectif, c’était d’écrire des articles pour plusieurs journaux dans une langue journalistique. J’en ai publié quatre. J’ai été obligée d’arrêter pour ne pas mettre ma vie et celle de ceux qui m’hébergeaient en danger. J’ai tout arrêté. En 2013, j’ai un ami qui a été kidnappé. Je ne peux plus y retourner. »

 

Retour à la littérature

« Au retour à Paris, j’étais déchirée. Finalement, j’ai décidé d’écrire pour me rassembler. J’ai repris interviews, témoignages, recueillis sur place, y compris de l’émir du groupe extrémiste Jobhat Al-Nosra, dans une langue littéraire cette fois. Cela a abouti à mon livre Les portes du néant, à paraître en français, et dans cinq langues au total : « nous crevons mille morts chaque jour mais nous ne cesserons pas de nous opposer à ce régime ».

« Ainsi, quand l’exil est devenu une réalité, je suis revenue à l’écriture. Maintenant, je suis de nouveau persuadée que je suis une écrivaine et que j’ai une responsabilité d’intellectuelle : je dois travailler avec les gens pour construire une société civile. Actuellement, j’écris un nouveau roman parce que je suis ici, pas là-bas. »

Une question fuse de la salle « Pourquoi la France ? ». « C’est la France qui m’a choisie, ce n’est pas moi qui l’ai choisie », répond l’écrivaine

Claire A. Poinsignon

 

ÉCOUTER

D’après sa fille Nawwar, Samar Yazbek aime le jazzNina Simone et Asmahan.


VOIR

Après le Vendredi des femmes libres, décrété le 13 mai 2011 dont parle Samar Yazbek dans Feux croisés (p. 93 et 151), les manifestations de femmes en appartements se multiplient pour participer au mouvement tout en essayant d’échapper aux forces de sécurité, comme en témoigne cette vidéo tournée à Damas, le 30 mai 2011 : « Nous sommes toutes les mères de Hamza al-Khatib    », 1’33

 

The Woman in Pants, La femme au pantalon, 4’15 (2013)

Une manifestante solitaire et obstinée de Rakka qui a finalement été obligée de fuir en Turquie, croit savoir Charif Kiwane, le porte-parole du collectif Abounaddara.

 

Light Horizon, Horizon lumineux, 7’12 (2012)

Court-métrage de la sculptrice Randa Mdah, actuellement en résidence à Paris, sur la vie qui refuse de laisser le dernier mot à la destruction dans un village du Golan occupé, détruit en 1967 par Israël : à l’horizon, la Syrie en proie au tumulte [La vidéo est au bas de l’article NDLR]

 

Un diaporama des œuvres de Mohamad Omran, exposées à la galerie Europia en 2012.

 
 

LIRE

Feux croisés. Journal de la révolution syrienne, Buchet/Chastel, 2012, couvre la période du vendredi 25 mars au samedi 9 juillet 2011. Elle livre ses émotions et ses souvenirs attachés aux manifestations du vendredi.

 

Les portes du néant, son prochain livre, est constitué de quatre parties. Les deux premières parties ont été publiées dans Al-Hayat, et les deux autres sur le blog de Samar Yazbek, qui n’est plus accessible. Traduit en français par la même traductrice – Rania Samara – il paraît chez Stock le 9 mars