Des violences ont éclaté la semaine dernière à Lhassa, capitale de la région autonome du Tibet. Il s’agit là des troubles les plus importants enregistrés dans la cité depuis la fin des années 1980. Dans un contexte de pressions internationales sur la Chine pour l’assouplissement du régime répressif, le Tibet semble prêt à se soulever pour revendiquer une fois encore son indépendance. Ce dimanche a aussi donné lieu à une longue conférence de presse tenue par le Dalaï-lama, l'occasion pour ce dernier de revendiquer le droit à une résistance pacifique pour les tibétains. Depuis son exil indien commencé en 1959, le chef spirituel a condamné la répression chinoise et parlé de "génocide culturel" au Tibet   . Il a également appelé à l’exercice d’une "responsabilité morale" par la communauté internationale, tout en signifiant qu’il n’était pas en faveur d’une séparation pure et simple avec la Chine.

L’approche de Jeux olympiques offre ainsi une tribune inespérée aux revendications nationalistes qui secouent la Chine et dont la presse internationale se fait l’écho. La volonté de Pékin de redonner un lustre international à un régime toujours aussi autoritaire ne fait que raviver les poussées sécessionnistes. L’enjeu historique d’une réunification avec Taiwan paraît dès lors bien compromis devant l’avant goût d’une répression au Tibet qui a déjà fait 18 morts selon les autorités chinoises et près de 80 si l’on en croit les groupes tibétains en exil. La tenue de prochaines élections sur l’île, nouvel hasard du calendrier, tombe également bien mal alors que le débat sur la réintégration de la seconde Chine vient de s’engager. La situation est aujourd’hui explosive dans la république communiste où l’on parle également de sécession au Xinjiang, province de l’est chinois aspirant depuis longtemps à une forme d’indépendance. 

Ces troubles entachent une nouvelle fois les tentatives chinoises de faire bonne figure à l’approche des jeux. La récente disparition de la Chine de la liste, établie par les États-Unis, des dix pays les plus irrespectueux des droits de l’Homme   paraît à ce titre quelque peu anecdotique devant les nouvelles évolutions de la situation au Tibet. La volonté de véhiculer une image de pays libéral en voie de démocratisation prend du plomb dans l’aile alors que les évènements de ces derniers jours ont ravivé la fougue des manifestants antichinois. La récente défection de Steven Spielberg, qui a refusé de participer comme consultant artistique à l’organisation des jeux, après les prises de position chinoises sur le Darfour, rentre également dans cette logique   de malaise général face à la politique chinoise.

Aujourd’hui, la question d’un possible boycott des prochains J.O. ne se pose pas, comme ne cesse de le rappeler Jacques Rogge le président du C.I.O.. Il est possible d’y voir une nouvelle illustration du rapport malsain entre sport et politique ; deux entités tantôt dissociées, tantôt intimement liées. Les multiples appels à l’assouplissement du régime chinois sonnent dès lors bien creux, alors que cette dernière se désintéresse d'opinions internationales vides de réelles menaces. De toute façon, la volonté occidentale de concilier la Chine prime sur toutes les autres considérations. Malheureusement.


* voir également un autre article du New York Times sur le Tibet.
* consulter également un nouvel article du Monde sur des appels au boycott politique lancés par des ONG

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Crédit photo: Flickr.com/ IPJ Mike