Quelques années après l'inégal Public Enemies (2009) et un retour avorté à la série télévisée (Luck, série sur les courses hippiques avec Dustin Hoffman, arrêtée pour cause d'accident lors du tournage), Michael Mann revient en salle avec un thriller tech un peu sec mais efficace porté par un Chris Hemsworth à contre-emploi.

Une attaque informatique lancée sur une centrale nucléaire chinoise oblige Chine et Etats-Unis à collaborer ; un trio se forme alors autour de Nicholas Hathaway (Chris Hemsworth), ancien pirate informatique repêché de prison pour l'occasion, pour remonter jusqu'au coupable et prévenir la prochaine attaque.

A partir d'un pitch simple et rendu inutilement complexe par sa géopolitique mondiale et son vocabulaire technologique, Michael Mann réactive le jeu du chat et de la souris qui caractérise l'essentiel de sa filmographie (de Thief à Public Enemies) en le plaçant sur le terrain ultra-contemporain du piratage informatique.

Sur ce point, le traitement esthétique de Hacker n'apporte finalement pas grand-chose. Le cinéaste se heurte au paradoxe de faire un film d'action autour de quelque chose d'aussi immatériel que le piratage ; paradoxe qu'il résout grâce à quelques plans numériques de « plongée » dans les circuits informatiques (plutôt inutiles) auxquels son cinéma nous avait peu habitués. La partie informatique ne fait pas vraiment l'objet d'une confrontation entre les deux camps. Les pirates se révèlent plutôt médiocres et l'équipe sino-américaine ultra qualifiée ne fait jamais non plus la preuve de son talent. Le conflit n'aura pas lieu en ligne. La capacité de Hathaway à lire et manipuler les données informatiques lui permet surtout de remonter assez facilement jusqu'aux responsables de l'attaque afin de les confronter dans le monde physique.

C'est heureusement sur ces aspects physiques que le film est, comme souvent chez Mann, à son meilleur. Trois excellentes scènes d'action ponctuent le film (c'est finalement peu, sur plus de deux heures). Les gun-fights, superbement amenés et mis en scène (et sonorisés), nous rappellent les meilleurs heures du cinéaste. Les scènes urbaines, comme d'habitude, font la preuve de sa grande maitrise photographique : l'image est impeccable, ciselée, métallique. L'ampleur des cadres, la compréhension cinématographique des architectures, le détail des paysages nocturnes, les jeux de mise au point qui écrasent les personnages sur le décor enrichissent considérablement l'expérience du film. Et la confrontation finale, dans une procession à Jakarta, permet surtout à Chris Hemsworth, pirate colosse, d'emplir pour la première fois l'écran avec sens et crédibilité. Selon Mann, le choix d'un physique décalé par rapport à l'image commune du pirate informatique a été inspiré par un vrai pirate, Stephen Watt, au physique lui aussi particulièrement impressionnant. Cette explication hors film ne renforce malheureusement pas le charisme inégal du personnage.

Derrière cette histoire de coopération sino-américaine, Mann dessine aussi une romance entre Hemsworth et l'actrice chinoise Tang Wei (vue en 2007 dans Lust, Caution d’Ang Lee), romance dont la matière nous est heureusement davantage transmise par la mise en scène que par les dialogues. Cette manière de traiter l'histoire d'amour rappelle à ce titre la relation Colin Farrell-Gong Li dans Miami Vice et le jeu légèrement badass de Hemsworth n'est d'ailleurs pas sans rappeler celui de Farrell quelques années plus tôt – gros biceps, lunettes de soleil, cheveux en arrière. Les deux versants de l'intrigue sont liés par la très bonne bande originale signée Harry Gregson-Williams (The Town, Equalizer) et surtout Atticus Ross (Gone Girl), tout en langueur, qui colore cette chasse à l'homme amoureuse d'une certaine mélancolie