* Ce mercredi 10 mars, Barbara Carlotti propose un nouveau laboratoire onirique, « troisième rendez-vous d'une série de fantaisies oniriques », à la Maison de la Poésie. Fin janvier, nous avions rencontré l'artiste et l'avions interrogée sur sa pratique artistique si singulière.

« L’auteur n’est point docteur en médecine, encore moins en philosophie. Quelle qualité a-t-il, en définitive, pour aborder un sujet aussi délicat ? ». En ouverture de son laboratoire onirique, présenté le mercredi 21 janvier à la Maison de la Poésie, Barbara Carlotti lit un texte de Léon d'Hervey de Saint-Denys sur le rêve lucide   et celui-ci résonne d’emblée comme un art poétique. En reprenant les mots d’un écrivain visionnaire mais oublié, c’est son projet et son mode opératoire qu’elle précise : construire une vision personnelle et volontiers parcellaire du rêve en se nourrissant de multiples sources. Derrière cette qualification énigmatique de « laboratoire onirique » se cache une création originale et hybride, qui voit l’artiste dire des textes, projeter des photographies – à visée didactique, symbolique ou simplement illustrative – et interpréter des chansons – les siennes, mais également des reprises de Daho ou de Bashung. Par la mise en relation de ces formes variées, elle cherche à « sonder cette activité mentale [le rêve] qui a lieu pendant le sommeil paradoxal et qui échappe à la volonté ». En choisissant des textes à la première personne – dont elle gomme si besoin les éléments spatio-temporels trop précis – elle parvient à donner l’impression qu’ils ont été écrits de sa main. Ce brouillage des voix – et la cohérence d’ensemble qu’il induit – amène le spectateur à s’approprier à son tour les différents éléments et à se construire sa propre expérience du rêve. Ce qui fait la force et la réussite d’un tel projet, c’est cette croyance dans l’enrichissement mutuel que doit permettre la rencontre de différentes pratiques, générations et sensibilités.

Ce laboratoire onirique   , Barbara Carlotti le présente également comme un travail d’accompagnement et d’enrichissement de son prochain album. Dans son œuvre, ce goût de la composition (au sens d’assembler des éléments variés) est si prégnant que les frontières entre ses différentes productions finissent par être poreuses. Qu’il s’agisse de sa pratique principale, la musique, ou de ses projets annexes – ces laboratoires, l’émission de radio qu’elle a animée sur France Inter   et les diverses formes éphémères qu’elle met en place –, des ponts peuvent être établis entre chacun de ses projets. Pour mieux appréhender cette pratique artistique complexe mais passionnante, nous avons interrogé Barbara Carlotti sur son rapport à la création artistique ainsi que sur ses projets pour l’année à venir.


Vos laboratoires oniriques marquent par leur aspect hybride, puisque vous y mêlez lectures de textes, projections d’images et interprétations de chansons   . Qu’est-ce qui vous intéresse dans cette manière de créer à partir d’éléments composites ?

J’aime l’idée de naviguer à vue, de digresser avec du sens. Et dans ma pratique, cela implique de mélanger textes dits et musique. Ce qui me plait, c’est qu’il y ait des moments sans musique et qu’ensuite ça redémarre. J’adore faire des concerts, mais j’éprouve un plaisir particulier à agencer les choses de cette manière. Un ami me disait que je pourrais faire des poèmes symphoniques, et je comprends ce qu’il veut dire. D’une certaine manière, je fonctionne par digressions poétiques entre les formes et les disciplines.


Considérez-vous ce mélange des genres et les ponts que vous faites entre chacun de vos projets comme essentiels à la création artistique ?

Si j’étais une très grande technicienne dans un domaine, je m’y consacrerais peut-être entièrement. J’ai un côté touche-à-tout amateur que je revendique vraiment. Disons que ma technique consiste plutôt à naviguer sur différents champs et à les croiser pour qu’ils s’enrichissent mutuellement. Mais mon domaine, ça reste la musique : c’est là que je me sens le plus à l’aise. J’adore chanter, sur scène notamment, et plus généralement, utiliser ma voix. Et puis j’aime vraiment cette idée de créer à chaque fois des formes éphémères, hybrides. La radio m’a donné ce goût de la composition – une composition avec des éléments qui existent déjà et des éléments nouveaux. J’adore reprendre des chansons, les mélanger avec mes propres compositions et y ajouter des textes que j’ai lus. Désormais, dès que je lis, je prends des notes, je mets des post-it partout, en me disant que ça me servira forcément, pour mes projets, mais pas seulement : je pourrai aussi en parler, si on me questionne là-dessus. Je pense que c’est important d’avoir des sources qu'on assume comme telles. On ne crée pas à partir de rien, c’est faux. J’ai tendance à vraiment aller chercher ce qui a existé, ça fait partie de mon projet de travail. Je fais ça toute l’année et quand mon album sortira, ceux qui en auront profité sauront d’où ça vient et je pourrai aussi le faire partager aux autres de temps en temps. Je pense même que pendant les concerts, je pourrai improviser, dire un des textes parce que j’en ai envie ce soir-là… Ça me permet d’avoir un fonds de matières que je peux ensuite distribuer à ma guise.


Vous y voyez donc également une manière d’assouplir un peu la structure bien définie de la tournée de concerts à la sortie de l’album ?

Oui, voilà, ça apporte un peu d’improvisation, de souplesse, mais aussi d’étonnement. Et je pense qu’il est important dans le spectacle vivant de créer des sas de vie. Je ne sais pas faire de l’improvisation pure, j’ai besoin de cette préparation-là pour pouvoir le faire. Et au bout d’un certain temps, je pense que ça deviendra un geste naturel.


La chanson, la pop, sont souvent considérées, par le public, les institutions et parfois les artistes eux-mêmes, comme un art mineur. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Personnellement, j’adore la chanson et je ne veux pas diminuer sa valeur. Mais en effet, si on doit faire une hiérarchie entre la musique dite savante et la chanson, la seconde est beaucoup moins recherchée. Après, ça dépend beaucoup de qui la pratique. Quand on écoute certaines radios grand public, on se rend compte qu’il n’y a parfois pas beaucoup de travail autour et assez peu d’exigences. C’est en ça que la chanson est un art mineur. Il s’agit d’une industrie, et en tant qu’industrie, elle produit un nombre de choses complètement nulles, disons-le ! Je ne considère pas que ce que je fais soit particulièrement recherché. Par contre, je le fais avec beaucoup de soin et de passion. Je pense que la chanson a un sens particulier : c’est une forme brève, elle doit être efficace. Ce n’est pas du tout le même registre que d’écrire une symphonie ou un concerto. Elle n’implique pas la même préparation, le même travail. Il y a quelque chose de plus intuitif dans le fait de faire des chansons et ça me correspond bien. Mais il faut l’envisager comme quelque chose d’hyper exigeant sinon on se laisse passer beaucoup de choses. Beaucoup de chanteurs finissent par se répéter inlassablement. On peut être très attaché à leur personnalité, à leur manière d’écrire, mais au bout d’un certain temps, ils ne se renouvellent plus et c’est là que ça commence à devenir vraiment ennuyeux. Alors que si on se montre exigeant, on continue à chercher album après album et à espérer que quelque chose se passe à travers la musique. Cette idée vaut pour tous les domaines d’ailleurs : en musique savantes, j’imagine qu’il doit y avoir aussi des trucs tout aussi chiants !


Ainsi, ce qui compte pour vous, c’est moins de se demander si la chanson est un art mineur ou majeur que de faire preuve d’une grande exigence artistique quel que soit le format ?

Oui, je pense qu’il faut considérer la chanson comme un art majeur quand on décide de la pratiquer. À l’époque où je voulais faire du chant jazz au conservatoire, j’ai été choquée de voir que la section n’avait même pas ouvert. On considérait que c’était un art mineur, donc ça ne justifiait pas son existence. Peu importe ce qu’on chante, je pense qu’il faut avoir la même exigence et donner à chacun la possibilité de choisir la manière dont il souhaite chanter, écrire, composer. Pas mal de compositeurs ont fait une forme de chanson. Dans l’art lyrique, la mélodie française, c’est de la chanson ! Mais c’est de la chanson exigeante. Et dans le jazz, par exemple, on trouve des compositions qui sont extrêmement sophistiquées.


Dans votre démarche, considérez-vous la musique, et plus généralement l’art, comme un laboratoire, un terrain d’expérimentations ?

Pour moi, la musique est une forme de langage très particulier dont je ne peux me passer. Les vibrations, les ondes, les fréquences donnent un sens abstrait aux choses et ce sens est aussi important que celui qui est donné par les mots, le corps ou les images. Tout cela va ensemble et je n’arrive pas à dissocier un langage d’un autre. En revanche, j’éprouve du plaisir à ne faire qu’écouter de la musique ou lire. Mais mon mode d’expression se situe dans tous ces endroits à la fois. La complétude, je la trouve dans le fait d’associer des choses. Sinon, je finis toujours par avoir une petite frustration quand je suis sur scène et qu’il n’y a pas tout cet environnement. J’aime l’idée d’occuper tout l’espace.


Votre ambition, c’est donc de créer une forme de spectacle total ?

Oui, c’est exactement ça. C’est comme faire du cinéma ou de l’opéra. Contrairement à ce que je disais, ce qui m’intéresse, ce n’est pas tant d’occuper tout l’espace que de laisser le choix au spectateur de ce qu’il souhaite regarder. Je ne veux pas lui imposer une seule vision du spectacle. Quand je vais à l’opéra, je ne regarde pas forcément la personne qui chante. En fonction de ce qui se passe, je porte mon regard, mes oreilles, sur différents éléments. J'aime l’idée que chacun se fasse sa propre expérience des choses, un peu comme dans la vie. On donne son attention là où on a envie de la donner. C’est ce que j’aime proposer au public : je veux le laisser libre, tout en le réunissant quelque part.


A l’écoute de votre dernier album, L’Amour, l’argent, le vent, on sent un véritable tournant musical par rapport à vos précédentes productions. Quelle a été l’influence des voyages que vous avez effectués, des résidences de création auxquelles vous avez participé, sur l'écriture de cet album ?

Ces voyages m’ont vraiment permis de sortir d’un système de création dans lequel je commençais à me sentir un peu enfermée. Clairement, le fait de partir chercher de nouvelles sonorités ailleurs m’a donné davantage de libertés. Même si on ne réutilise pas directement ces sonorités, elles contribuent à déstructurer un peu les chansons, à les envisager et à les écrire différemment. J’étais en plein voyage quand j’ai écrit 14 ans, qui est un vrai souvenir de jeunesse. Et ce qui est assez drôle, c’est que je pense que dans d’autres circonstances, ce souvenir ne me serait jamais revenu. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai eu un déclic qui fait que j’ai écrit cette chanson personnelle à des milliers de km de la France. Je suis persuadée que c’est quand on est loin de son environnement familier que ce genre de réminiscence vient. Quand j’étais en Inde, j’ai également travaillé avec un musicien qui faisait du cithare et de l’harmonium. On a juste gardé des couleurs de son pour écrire Nuit sans lune et à mes yeux, elles colorent vraiment le morceau et lui donnent quelque chose qu’il n’aurait jamais pu avoir autrement. Je ne pense pas que voyager aux quatre coins de la planète nous disperse : au contraire, ça permet de réunifier quelque chose en soi et du même coup de réunifier quelque chose dans son travail.


Plus généralement, quelle a été l’influence de ces voyages sur votre démarche artistique ?

Je dirais qu’ils m’ont permis de gagner en assurance. Depuis cet album, je sais que je peux essayer d’autres choses, que je n’ai pas à rester cantonnée à une manière d’écrire la chanson. En écrivant de nouvelles chansons, je ne me préoccupe même plus de la forme à donner. Je cherche beaucoup, encore plus que pour le précédent album. C’est aussi parce que cette idée de rêve l’implique. Le rêve, c’est ce qu’il y a de plus flou et de plus déstructuré. Je ne me pose plus la question de savoir si ça va fonctionner ou pas, je vois après ce que ça donne. Et je pense que ça commence à prendre forme : il y a des sonorités plus électro, des choses plus étranges et aussi des formes assez classiques. Quelque part, ce n’est pas la chanson en soi qui m’intéresse, c’est plutôt que chaque chanson exprime quelque chose de très précis, comme autant de petits films.


Le risque avec les albums à thème, c’est que, prises séparément, les chansons semblent perdre en qualité, comme si elles ne pouvaient exister en dehors de la structure d’ensemble. Est-ce que c’est une crainte que vous éprouvez, ou du moins une question que vous vous posez, quand vous écrivez des chansons ?

Quand je fais un album, j’ai besoin de variété. J’ai besoin que les chansons ne se ressemblent pas, mais qu’elles gravitent par contre autour d’une idée. Ce ne sont pas des albums concepts. Par exemple, les éléments réunificateurs du précédent album, c’était la lune, la nuit – mais pas du tout le sommeil pour le coup –, et la quête de quelque chose qui n’est pas sur mon territoire habituel. Et je pense que tout cela a quand même donné une unité à l’ensemble. Après, il y a aussi tout un travail d’arrangements avec le musicien qui fait qu’il y a une cohérence musicale même si les chansons sont très différentes. Je n’aime pas les albums où les chansons se ressemblent trop, parce qu’il y a une lassitude qui s’installe rapidement.


Penser l’agencement des chansons est également essentiel ou est-ce secondaire ?

En fait, plein d’éléments entrent en compte : l’ordre des chansons, comment elles sont amenées les unes par rapport aux autres, le temps de silence entre chaque piste… toutes ces choses qui parfois ne sont pas bien amenées. Je suis en train de me dire que je vais faire des morceaux instrumentaux pour circuler entre les chansons, parce que je suis sûre que ça amène la musique différemment et que ça donne une autre perception. Ça permet aussi de relâcher l’attention de la voix pour y revenir. Ce qui est difficile aujourd’hui, c’est qu’on n’a plus l’habitude d’écouter des disques dans leur intégralité. Et même quand écouter des vinyles était encore commun dans les années 60/70/80, le fait de tourner la face donnait vraiment une autre perception. En fait, il n’y a pas plus de 30 minutes de musique sur une face de 33 tours. Ce n’est pas vrai que l’oreille puisse écouter plus d’une heure en continu. Enfin, elle peut si elle s’immerge, s’il s’agit d’une seule œuvre. Mais lorsqu’il y a des éléments un peu disparates, quelque chose fait qu’à un moment donné, l’attention se perd. Je suis sûre que faire un album de 10 titres, un album court, crée déjà une plus grande cohésion.


Quand vous faites un album, vous écrivez plus de chansons qu'il n'y en aura en définitive sur l'album ?

Oui, c’est essentiel de se donner le choix. C’est toujours un déchirement d’écarter certaines chansons, mais ce sont ces choix difficiles qui font qu’on trouve une cohérence plus forte. Et quand on l’a trouvée, on comprend que telle chanson n’avait rien à faire dans cet album, que c’est peut-être au prochain qu’elle correspondra. Après L’Amour, l’argent, le vent, j’ai fait un EP de quatre chansons pendant Cosmic Fantaisie. Trois d’entre elles étaient des chansons que j’avais faites pour un autre album, qui en l’occurrence n’était pas L’amour, l’argent, le vent. En fait, il s’est avéré qu’elles collaient parfaitement au thème de Cosmic Fantaisie. Je n’en avais pas la moindre idée en les écrivant, mais finalement elles ont des connexions entre elles et correspondent parfaitement au projet. Quelque part, je crois que ce sont les chansons qui décident et pas nous.


A ce propos, avec Florent Marchet, vous étiez un peu les deux artistes cosmiques de 2014 ! Est-ce que vous en aviez parlé au préalable ou s’agit-il d’une vraie coïncidence ?

Ce qui est marrant, c’est justement qu’on n’en avait pas parlé avant. Lors d’un spectacle qu’on faisait avec Arnaud Cathrine, il a commencé à me parler de son projet et j’ai trouvé ça dingue qu’on s’intéresse aux mêmes choses ! De mon côté, ça faisait des mois que je réfléchissais à faire quelque chose autour de ce thème. Et en fait, je suis contente de ne pas en avoir fait un album. Le sien est vraiment très réussi car il est parvenu à aller au bout de quelque chose, mais moi j’étais contente d’en faire une émission. Ce qui me passionnait au départ dans cette idée, c’était la science-fiction dans les films et c’était ça que j’avais envie d’utiliser. Florent Marchet a donné un sens réel à tout ça, moi je voulais en donner un sens complètement fantasmé et en même temps toujours en prise avec une certaine réalité de la science. Faire l’émission, c’était donc encore mieux pour moi. Ça me permettait d’utiliser cette base de fiction que j’adore dans la science-fiction.


Pouvez-vous nous parler plus précisément de vos prochains projets, notamment cet album à venir sur le thème du rêve, dont avez déjà joué quelques chansons lors de votre dernier laboratoire onirique ?

Dans mon dernier laboratoire onirique, j’ai présenté cinq chansons sur les dix que j’ai écrites jusqu’à présent. Je pense encore en écrire cinq et ensuite je vais essayer de faire l’album assez rapidement. Je suis impatiente de le présenter. J’aimerais l’enregistrer en avril et le sortir en octobre ou en février. Je vais écrire aussi un film autour de ce projet. En fait, j’écris les chansons avec une histoire dans la tête, que je vais repréciser pour en faire une comédie musicale que j’aimerais filmer. Ce sera peut-être pour plus tard, dans plusieurs années, mais j’ai vraiment envie d’aller au bout de ce projet. Je continue aussi de tourner avec La Fille et puis j’ai ce spectacle avec Benoît de Villeneuve et Gaspar Claus, Lady’s Folk, où on reprend des chanteuses folks. J’ai donc des projets annexes mais le principal, c’est bien sûr le prochain album. Et justement, les laboratoires oniriques peuvent en être une déclinaison. Ça pourrait être une forme de diffusion de l’album en parallèle de mes concerts. Je suis très éparpillée, je fais beaucoup de projets en même temps, et je me suis rendue compte récemment que je pouvais en faire plusieurs à partir d’un seul. C’est une nouvelle expérience pour moi : mener un même projet décliné de plusieurs manières.


J’aimerais clore cet entretien en évoquant particulièrement le texte de Léon d'Hervey de Saint-Denys que vous avez lu en ouverture de votre laboratoire onirique. C’est passionnant de voir un auteur parler aussi précisément au 19e siècle de ce qui deviendra le rêve lucide. Est-ce que cette pratique singulière du rêve vous intéresse particulièrement ?

Le rêve lucide, c’est une dimension qui m’intéresse, mais moi je n’en fais pas vraiment, malheureusement, même si j’essaye de les provoquer. J’en ai fait deux ou trois où je faisais ce que je voulais et ça a vraiment quelque chose de jouissif. On se rend compte qu'on est en train de rêver dans son rêve et on peut vraiment en changer le cours. Une fois, j’ai rêvé que je faisais du patinage artistique, et quand je me suis rendue compte que j’étais en train de rêver, j’ai décidé de faire des figures acrobatiques absolument dingues ! Mais j’ai un rapport au rêve qui fait que ce qui m’intéresse, c’est précisément de ne pas l’éduquer. Ce qui m’intéresse, c’est le fait de ne pas pouvoir influer : les rêves nous délivrent tout un monde d’associations d’idées et d’images qu’on ne pourrait pas produire soi-même en conscience. Ce que j’aime dans le rêve, c’est cet état d’inconscience consciente qui nous donne sans arrêt de nouvelles idées, de nouvelles sensations, de nouvelles émotions qu'on ne peut pas vivre dans la vie éveillée et auxquelles on vient se confronter. On y trouve une liberté qu’exprime parfaitement le texte de Queneau que j’ai récité à la fin du laboratoire   . Quand on rêve, on fait tomber toutes les barrières et c’est vraiment passionnant. C’est pour cela qu’il faut accorder de l’importance à nos rêves, les regarder de plus près, parce que je pense qu’ils donnent des clés sur notre perception du monde et de soi