Une approche originale où l'outil cartographique sert à restituer une grande variété de phénomènes internationaux actuels ou anciens de manière à en comprendre la logique géographique.

Le passage d’une année à l’autre est propice à la floraison d’atlas qui dressent le bilan annuel de l’évolution du monde et de ses Etats. L’Atlas global, réalisé sous la direction de Christian Grataloup et de Gilles Fumey, échappe à ce rituel éditorial parce qu’il dépasse très largement cette ambition de fournir un simple outil statistique pour qui souhaite disposer des dernières données économiques ou sociales. L’ouvrage proposé par les éditions « Les Arènes » se compose en effet de six parties qui retracent au travers de soixante cartes inédites l’aventure séculaire de la globalisation conçue et perçue comme un processus historique spatial et multiforme.

La constitution de l’écoumène au temps de l’homo sapiens constitue la première étape d’un parcours qui mène le lecteur à une réflexion sur la double notion géographique de rapprochement et d’éloignement. L’alternance de planisphères et de cartes régionales rappelle l’utilité à concevoir la mobilité des hommes selon une démarche multiscalaire qui aide à percevoir les multiples étapes de la mise en valeur des territoires par l’espèce humaine (dans l’océan Pacifique ou en Amérique avant Colomb). Aux cartes s’ajoutent des infographies de toutes sortes et qui aident à comprendre les thèmes cartographiés, tel le réseau urbain du monde islamique figuré par un judicieux ordonnancement de cercles ou encore le bilan de la peste noire. Les vingt-neuf auteurs de l’ouvrage font sciemment le choix de porter leur regard d’historiens-géographes sur des questions extrêmement diverses. Cela a pour effet de porter notre attention sur des thèmes très variés et qui évitent le risque d’un européocentrisme (vision désoccidentalisée). L’Afrique médiévale ou encore les aires linguistiques au XVe siècle en sont deux témoignages parmi bien d’autres.

L’une des vertus de L’Atlas global est d’aider à la compréhension de la mondialisation au travers de problématiques qui l’ancrent dans l’histoire. Le réseau des interrelations entre les sociétés resitue la globalisation dans une très riche perspective diachronique où se joue la manière de représenter le monde. Un deuxième chapitre cible la question débattue de la place de l’Europe dans le monde. Ce point conduit à l’examen de l’exploitation des richesses du monde par les Européens et à la colonisation. La dimension culturelle de cette dernière question aboutit à ce que l’on pourrait appeler une « cartographie littéraire » où figurent les régions mises en scène par Jules Verne, par Hergé et Hugo Pratt. Aborder la place de l’Occident revient à en relativiser l’importance compte tenu des évolutions géoéconomiques récentes. C’est ce à quoi s’attarde la troisième partie de l’ouvrage intitulée « Les derniers feux » où l’on examine la pluralité d’un monde dont les codes culturels ne se réduisent pas à ceux que l’Occident engendre (notions de bonheur, de beauté). La question du sport est illustrée de manière originale par l’exemple du football dont on saisit bien les enjeux mondiaux à travers la composition des équipes, le classement des championnats et les enjeux financiers. Aux éventuelles dérives du sport s’ajoutent celles qui bouleversent les équilibres environnementaux. Le changement climatique, les choix énergétiques, la question de l’exploitation agricole des terres entrent dans le champ des grandes questions écologiques posées à la planète tout entière. La cartographie des systèmes carcéraux confirme le parti pris d’évoquer des sujets aussi divers que la progression des virus au moyen du transport aérien, l’obésité considérée comme une « pandémie de civilisation » ou encore les « pays poubelles » qui acceptent de recueillir les déchets dangereux des pays riches.

La cinquième partie s’interroge sur les inégalités et les différenciations au sein de la mondialisation. Conformément à la ligne éditoriale, cette démarche conduit à l’examen de problématiques très variées comme le commerce, le vieillissement démographique, le combat des Amérindiens pour résister culturellement à la globalisation, ou encore les printemps arabes dont la chronologie est reconstituée. La cartographie du réseau de l’Internet interpelle sur la notion de mise en réseau du monde mais aussi sur la fracture numérique. L’alimentation souligne à quel point la mondialisation n’est pas synonyme d’uniformisation. Cette avant-dernière partie offre plusieurs outils cartographiques et schématiques qui illustrent la complexité de l’événement mondial au travers d’exemples qui en soulignent le processus et les obstacles. La dernière et sixième partie offre une réflexion sur les liens entre le passé, le présent et l’avenir des sociétés du monde. Une approche anthropologique se penche sur le rapport des hommes à la nature et à la famille. L’étude chronologique de l’urbanisation du monde débouche sur une chronocartographie de la démographie mondiale que l’on peut voir comme un point d’orgue de ce que la cartographie peut produire comme image.

Le choix original de recourir à un grand nombre d’auteurs constitue la principale richesse de L’Atlas global, véritable déclaration d’amour à la cartographie. De la multitude des points de vue, de la diversité des thèmes abordés dépend le souci d’expliquer chaque notion par des commentaires qui aident à lire les cartes et à les contextualiser. Si chaque page de cet ouvrage est bien l’affaire d’un spécialiste, l’accessibilité du contenu demeure une priorité comme en attestent la lisibilité des documents et la clarté des cartes, parfois judicieusement dépouillées. L’Atlas global est un essai en images et un excellent outil pour les amateurs de beaux livres, pour les enseignants mais aussi pour le grand public intéressé par les questions d’histoire et d’actualité. Il montre de manière inédite que tout phénomène est cartographiable et il ouvre un champ infini de possibilités qui aident à comprendre les mutations en cours de notre monde