Une bande dessinée sur Jaurès issue de la collaboration entre plusieurs auteurs et un historien.

Le traitement de figures historiques par la bande dessinée n'est pas nouveau comme le note l'historien Pascal Ory, président du jury du Prix Château de Cheverny de la Bande Dessinée Historique des Rendez-vous de Blois. Mais loin d'être un simple média, un habillage pour évoquer des sujets perçus comme rébarbatifs, la bande dessinée historique doit être un « objet d'intelligence» et un art qui doit mêler qualités graphiques et scénaristiques.


« Ils ont fait l’histoire » est une nouvelle collection de l’édition Glénat en collaboration avec Fayard qui s’attache à décrire la vie de quelques grands personnages historiques. Des albums relatant les vies de Catherine de Médicis, Napoléon, De Gaulle ou encore Vercingétorix vont être ou ont déjà été publiés. Associé(s) à un(e) historien(ne) et spécialiste de la période, le scénariste et le dessinateur dresse(nt) le portrait d’une femme ou d'un homme ayant marqué son époque. La série « Femmes en résistance » éditée chez Casterman s'inscrit aussi dans cette perspective et retrace, en mêlant fiction et histoire, quatre destins exemplaires de la Seconde Guerre mondiale : Amy Johnson, Sophie Scholl, Berty Albrecht, Mila Racine (le tome 2, consacré à Sophie Scholl, vient de paraître).

Susceptible d’intéresser ceux qui souhaitent connaître les origines de la Grande Guerre et surtout qui aimeraient en savoir davantage sur le fondateur de l’ancien parti socialiste, cette bande dessinée, quant à elle, est pédagogique, et offre une esquisse de l’extraordinaire figure française qu’était Jean Jaurès. Un dossier instructif de quelques pages écrit par Vincent Duclert conclut l'album, enrichi d'illustrations de l'époque. 

Rey Macutay (dessinateur), Jean-David Morvan, Frédérique Voulyzé (scénaristes) et Vincent Duclert   retracent les dernières semaines de l'homme politique. La narration n'est pas celle d'une biographie ordinaire : en effet l'album s'ouvre avec l’assassinat de l'archiduc Franz Ferdinand de Habsbourg du 28 juin à Sarajevo et s'achève par le meurtre de Jaurès au café du Croissant le 31 juillet par Raoul Villain, le tout étant entrecoupé des différentes étapes qui ont jalonné l’engagement humaniste, patriotique et pacifiste de Jaurès : son discours sur la loi de trois ans (17 juin 1913), le meeting du Pré Saint-Gervais, (25 mai 1913), le lancement de l'Humanité (1904), sa défense de Dreyfus (1898), son engagement pour soutenir les mineurs de Carmaux (1892), sa victoire en tant que député républicain du Tarn (4 octobre 1885). Les 48 pages rapportent finalement le dernier combat mené par l'humaniste : celui d'empêcher une guerre qui sera inéluctablement sanglante. 

A travers des images fortes et un angle narratif original – c'est le Jaurès pacifiste, syncrétisme de tous les autres Jaurès : l'humaniste, le socialiste, le républicain, qui est croqué là – l'album souhaite « redonner vie [aux images de Jaurès] et même davantage. Il imagine toutes celles qui manquaient encore pour ramener au présent le dernier combat de Jaurès. Retravaillés par le récit et le dessin, unies dans le mouvement de l'action, portées par les ombres et les lumières, les images composent l'histoire d'une résistance humaine qui nous parle à travers le temps. »   .

Traits et formes réalistes, couleurs automnales, représentations innombrables de Jaurès à tous les âges, il s'agit de restituer le portrait d'un tribun à l'éloquence hors du commun, d'un républicain qui croyait l'humanisme indissociable du socialisme et qui avait une exécration pour la violence et la domination par la force. Cet hommage dessiné, aux résonances tristement actuelles, s’avère donc essentiel pour rendre compte de la vie d’engagements et de luttes d'un homme qui croyait en la force des idées et pensait qu'un « monde meilleur était encore possible »  


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