Pour mieux comprendre les résultats du FN, Nonfiction a décidé de jeter un oeil rétrospectif sur les résultats des dernières élections européennes du 21 avril 2002 à nos jours. Cette analyse vient se greffer au dossier sur l'extrême droite qui recense plusieurs articles concernant le FN.

 

Les dernières élections européennes ont été marquées par la poussée électorale du Front National. Cette évolution des résultats électoraux s’inscrits dans la lignée des scores réalisés par l’extrême droite lors de l’élection présidentielle de 2012, à l’occasion de laquelle l’extrême droite avait retrouvé son niveau le plus important en voix comme en pourcentage des suffrages exprimés.
Pour mieux comprendre et percevoir l’évolution électorale des deux dernières années, les résultats des dernières élections européennes doivent être replacés dans une séquence plus longue, qui s’étend du 21 avril 2002 à nos jours.

Les résultats des élections sont souvent discutés à partir du pourcentage des suffrages exprimés. Ceci permet de mesurer le poids relatif des différentes forces politiques. Mais cette méthode comporte aussi des risques. Elle peut introduire des erreurs d’interprétation en masquant les évolutions de la participation électorale. Pour bien saisir les tendances à l’œuvre, il est également nécessaire de prendre en compte l’évolution des scores en pourcentage du nombre d’électeurs inscrits. On entend parfois des commentateurs évoquer l’évolution du nombre de suffrages obtenus par tel ou tel parti. Là encore, cette démarche tend à donner une vision biaisée des résultats. Il faut garder à l’esprit qu’entre 2002 et 2014, ce sont plus de 5.3 millions d’électeurs qui ont rejoint le corps électoral. Dans le même temps, le renouvellement générationnel a profondément modifié la structure sociale du corps électoral. Les nouveaux inscrits de 2014 n’étaient âgés que de 6 ans le 21 avril 2002.

Ce qui marque aujourd’hui les esprits, c’est de voir l’extrême droite (représentée par le Front National et quelques candidats extérieurs) recueillir près de 25 % des suffrages exprimés. Cette performance n’avait jamais été réalisée au cours des 20 dernières années, que cela soit à l’occasion d’une élection européenne ou d’une élection présidentielle. Ce chiffre nous amène donc à penser que l’extrême droite réalise actuellement une percée électorale importante, en nette progression depuis l’élection européenne de 2009, quadruplant ainsi son score. Dans le même temps, la gauche et la droite réalisent des contreperformances alors même que le PS et l’UMP sont respectivement fragilisés par la concurrence du Front de Gauche et d’Europe Ecologie d’une part, par celle du Modem et de l’UDI de l’autre. Le total des voix de gauche ne dépasse pas les 35 % des exprimés, celui de la droite stagne autour des 36%. On observe depuis le premier tour de la présidentielle 2007 une tendance de fond au déclin structurel de la droite et à une progression de plus en plus nette du Front National. Cette évolution correspond à l’arrivée de Marine Le Pen à la tête du principal parti d’extrême droite, engageant une stratégie d’ancrage électoral rapide alors que la droite parlementaire perdait toutes les élections entre 2007 et 2012.

La gauche arrivée au pouvoir lors des dernières élections présidentielles fait face à un décrochage rapide et significatif de son électorat, perdant près de 10 points en part des suffrages exprimés, que l’on rapporte son score aux européennes 2009 ou aux présidentielles 2012. Cette défiance frappe la gauche socialiste, comme l’illustre la chute de la confiance accordée au président de la République François Hollande, mais également les autres composantes de la gauche qui ne parviennent pas à tirer les bénéfices du rejet de l’exécutif.

Lorsque l’on observe les évolutions en pourcentage des inscrits, il devient possible d’identifier les dynamiques de mobilisation et de démobilisation spécifiques des différents électorats. La participation évolue d’une élection à l’autre. Elle atteint régulièrement ses maxima lors des élections présidentielles et ses minimas lors des élections européennes. Mais ces évolutions ne sont pas identiques chez tous les électeurs. Ainsi, entre 2012 et 2014, la gauche recule de plus de 20 points en pourcentage des inscrits. Dans le même temps, la droite recule de 15 points. L’extrême droite, elle, résiste beaucoup plus nettement au recul de la participation, ne perdant que 3.5 points de pourcentage. Avec 10.13 % des inscrits, le Front National et ses alliés obtiennent un score plus important lors des européennes de 2014 que lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2007, et se rapproche de ses maximas (13.28 % des inscrits en 2002, 13.9% des inscrits en 2012).

Que l’on raisonne à type d’élection constante (en comparant entre eux les trois derniers scrutins européens) ou en prenant en compte les variations entre l’élection présidentielle et l’élection européenne qui lui succède, la progression du Front National est manifeste. Comme l’indiquait l’élection présidentielle de 2012 l’extrême droite a retrouvé l’ensemble de son potentiel électoral.
Cette évolution apparait d’autant plus nette que l’on assiste à un double mouvement d’affaiblissement de la gauche et de la droite. Les partis de droite subissent un repli constant depuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy en 2007. Ils ne parviennent pas à tirer bénéfice de l’opposition à François Hollande et semblent toujours subir les conséquences de la défiance dont a fait l’objet l’ancien président de la République jusqu’à sa défaite au second tour de l’élection présidentielle de 2012.
Dans le même temps, la gauche est la force politique qui subit la plus forte perte de soutien de mobilisation électorale au cours des deux dernières années. Ce repli l’amène à ses scores les plus faibles. Alors que la gauche avait pu améliorer son score (en pourcentage des exprimés) suite à ses deux défaites présidentielles de 2002 et 2007 lors des européennes de 2004 et 2009, elle fait l’objet d’un rejet manifeste à l’occasion du scrutin de 2014.

Les évolutions à venir soulèvent différentes questions qui restent aujourd’hui ouverte. La gauche est-elle en mesure de remobiliser, ne serait-ce que partiellement, les électeurs qui ont permis à François Hollande d’être élu président de la République ? La droite est-elle en mesure de tirer les bénéfices de son positionnement dans l’opposition face à un pouvoir exécutif contesté ? Le Front National est-il parvenu à mobiliser la totalité de son électorat où dispose-t-il d’une marge de progression supplémentaire qui l’amènera au-delà de ses meilleures performances passées dans les années à venir ?

Dans un contexte de crise économique profonde, faisant progresser le chômage et la précarité depuis maintenant plus de 6 années, la défiance politique atteint des niveaux sans précédents. Ces éléments, couplés à redéfinition de la stratégie du Front National pourrait modifier la structure du système partisan français. Cependant, les résultats des élections européennes révèlent que cela n’est pas encore le cas