C’est au musée des Beaux-Arts de Lyon. Cela se déroule le mercredi après-midi selon un calendrier accessible sur Internet. Un scientifique et un médiateur culturel proposent une visite conférence autour d’un thème entre Arts et Sciences. Non seulement, un fil conducteur est déroulé durant la séance, mais cette dernière comprend un temps d’échange devant une ou deux œuvres des collections. La présentation s’accomplit donc à plusieurs voix : celle des présentateurs, celle des arts et des sciences, celle du musée et du laboratoire, ...
   
Chacun des termes, arts et sciences, est pris dans un système de variation qui permet de poursuivre une double tâche : la tâche classique de penser les rapports entre les savoirs (physique, mathématiques ou les sciences humaines) et une ou des œuvres (voire un mouvement artistique). Ce terrain-là est largement fouillé. On ne compte plus les ouvrages qui, portant sur des tableaux classiques, mettent au jour l’interaction entre les sciences et les arts : de la science de la perspective en mathématique à la perspective picturale (aérienne ou non) ; de la science physique à la pesanteur des nuages chez le Tintoret ; de la science de l’anatomie à la figuration humaine en peinture ; mais aussi de la mathématique à la musique, etc.
   
Mais il est possible et même intéressant de faire varier les notions. La science peut aussi être celle de la couleur chez le peintre, comme l’art d’organiser les phénomènes peut déclencher une recherche scientifique. En l’occurrence, une des séances récentes était consacrée à la "science des contrastes" qui n’a cessé d’être utilisée et de se développer au fil des expériences réalisées par les peintres : du clair-obscur au dialogue des couleurs primaires, en passant par la palette des couleurs chaudes, froides, saturées aboutissant à l’élaboration de théories scientifiques : la Loi des contrastes simultanées d’Eugène Chevreul ou la théorie des sept contrastes de la couleur de Johannès Itten.
   
Une autre séance vient d’être consacrée à la représentation du relief et de la profondeur qui participe d’une quête de la réalité en peinture. Mais cette fois, il s’agissait de mettre ce savoir en parallèle avec, dans le domaine de la perception, les effets 3D, qui ouvrent de nouvelles perspectives de nos jours pour appréhender autrement le réel. Comment peintres et scientifiques ont exploré le monde des illusions optiques pour les créer, transformant ainsi l’univers de la perception et le rapport au réel, telle fut la question qui a amorcé le débat ?

Notons qu’une prochaine séance sera consacrée, avec Jean-Paul Martin, directeur de recherche au CNRS et Pierre Lacôte, médiateur culturel au musée, à la question du continu et du discontinu. Cette opposition entre continu et discontinu est certainement l'une des plus fondamentales des sciences, qu’il s’agisse de la théorie des nombres, du langage, de la théorie de l’espace, et de l’espace géographique. C’est d’ailleurs à dessein que nous mélangeons ici sciences "dures" et sciences "humaines", offrant ainsi plus de prise au passage aux arts. Limites et frontières, seuils et positions, fleuves et bordures, ondulations et quantas, modèles mathématiques continus et applications informatiques discontinues, le champ de l’analyse est très large. Mais il faut évoquer aussi les possibilités de passages entre l’un et l’autre. Aussi comment organiser ce parallèle, peut-être une analogie ou des analogies avec les travaux des artistes ? Telle sera la question à débattre.
   
Où l’on perçoit aussi qu’on peut difficilement engager un rapport Arts et Sciences sans y mêler un peu de philosophie. Le dernier thème prévu y incite. En d’autres temps, déjà, la revue EspacesTemps, Les Cahiers   prenait cette thématique à parti. On y lisait ceci : Autant affirmer que le continu ne se laisse pas cerner sans le discontinu et réciproquement. La divergence entre les deux est celle de contraires, d’"incompatibles" ainsi que l’affirme Aristote dans l’Organon (Catégories, b 15-12). Et raisonner avec des contraires peut entraîner dans des antinomies sans fin, qui ne présenteraient pas de difficultés particulières si elles ne favorisaient parfois l’abandon à un désespoir sceptique ou à une arrogance dogmatique (comme le démontre Immanuel Kant, dans la Critique de la raison pure, Antinomie de la raison pure).
   
C’est une discussion à reprendre