Mardi 8 octobre a eu lieu en ligne et à Paris 1-Sorbonne la séance inaugurale du séminaire de recherche Fichet-Heynlin autour du numérique universitaire organisé par le réseau scientifique Numer-Univ avec le soutien du Service TICE. Pluriannuel, international et public, le séminaire entend questionner les effets des changements numériques et les usages du numérique dans l’université. Son objet essentiel reste de produire une réflexion scientifique et critique sur l’arrivée d’une nouvelle technologie dans le champ de la production et de la transmission des savoirs.

Qu’est-ce que le numérique universitaire ? On le réduit souvent à la seule pédagogie numérique, qui concerne les évolutions des modalités de la transmission des savoirs avec les nouvelles technologies. Or, pour Jérôme Valluy, coorganisateur du séminaire et professeur de sociologie de l’action publique, le numérique universitaire renvoie aux trois dimensions fondamentales de l’université : la pédagogie, la recherche scientifique et la gouvernance. Il est " conçu comme l’ensemble des décisions, créations et usages d’applications informatiques destinées aux usagers de l’université " (enseignants, étudiants, personnels administratifs)   ). En cela, il doit être examiné, expérimenté, critiqué et sans doute aussi régulé. On peut comprendre l’expression comme le déplacement du lieu du savoir : le numérique universitaire, c’est l’université présente à travers les canaux du numérique.

Cette première séance du séminaire a posé les questions et invité les participants à proposer et hiérarchiser les thèmes : transformations des métiers d’enseignement et de recherche à l’ère numérique, réussite des étudiants, accès libre des publications et transformations des droits d’auteurs. Autant de thématiques qui seront traitées selon un agenda non figé afin de rendre effective la spontanéité créée par le numérique.

Porté vers l’innovation, le séminaire se veut pluridisciplinaire et ouvert, ce qui veut dire désormais participatif. Et l’innovation repose sur l’interactivité avec la possibilité de suivre en ligne le séminaire, et d’y participer via le tchat. Nouvelle formule donc de séminaire qui déstabilise : " s’agit-il vraiment d’un séminaire ? " demande Julien Vincent, historien et coorganisateur. On est en effet loin de la salle retirée où une douzaine de spécialistes se retrouvent pour travailler ensemble. Très vite deux espaces se distinguent : la salle de réunion (le présentiel) et le réseau des connectés. Deux espaces, deux tempos. Le tchat apparaît terrain de liberté totale de l’expression. Très réactifs, les participants en ligne se mettent à discuter entre eux, posent des questions, font part de leur propre expérience, bref, le " brouhaha " s’installe. " Déphasage ", pour reprendre le mot de J. Valluy entre les sujets discutés dans la salle et ceux discutés en ligne. Ce désordre de la participation en ligne manifeste sans doute l’euphorie –et le défaut− des premières fois. Mais, il faut toutefois défendre cette forme nouvelle d’ouverture des savoirs, changement radical par rapport à l’université que j’ai personnellement connu élitiste et soucieuse de préserver les barrières invisibles entre les savants et les ignares, où l’on ne pouvait entrer qu’après contrôle d’identité, sécurité oblige.

Une semaine après le dévoilement du plan Fioraso sur la révolution numérique dans l’enseignement supérieur et l’ouverture de MOOCs en France   , cette séance inaugurale est donc remarquable. Car, bien qu’indépendant des initiatives gouvernementales, le séminaire s’inscrit dans le mouvement mondial de l’Open Education et l’entrée de la France dans le marché de l’e-éducation. Ces phénomènes massifs qui marquent la révolution numérique font des nouvelles technologies les instruments d’une démocratisation de l’enseignement supérieur et de l’accès à la meilleure éducation possible pour tous. Certains préfèrent parler d’une évolution et non d’une révolution numérique. Cela dit, que l’usage du numérique dans l’éducation ne soit qu’un prolongement attendu à l’ère du web 2.0 ou qu’il constitue une véritable révolution avec ce que cela signifie de disparitions des vieilles pratiques, l’éducation ne peut plus se passer du numérique. Et ce dernier semble alors n’avoir plus qu’un seul horizon : celui de l’éducation massive