À travers les photographies de d'Alex MacLean se dévoile la façade la plus méconnue de New York : ses toits. 

Photographe, pilote d'hélicoptère et architecte, Alex Mclean porte depuis longtemps un intérêt particulier aux manifestations territoriales du phénomène urbain. Depuis les airs, il s'est notamment intéressé à Las Vegas, à l'industrialisation du globe ou aux banlieues américaines dont il a récemment livré une vision sans concession   . Cette prise de hauteur sur les phénomènes offre notamment au photographe des atouts indéniables pour révéler avec subtilité des réalités contemporaines insaisissables à hauteur d'homme. En permettant d'observer la véritable relation liant les paysages d'origines humaine et naturelle, la vue aérienne a en effet permis de "nous faire découvrir le vrai visage de la Terre"   . Les photographies de MacLean participent pleinement à ce renouvellement de perspective, et en révélant l'ampleur et la diversité des marques humaines sur le globe, son travail s'apparente au Land Art et aux œuvres de Richard Long ou de Robert Smtihson. Dans cet ouvrage, le photographe réduit la focale pour se concentrer sur les constructions humaines, comme s'il avait l'intention de nous révéler les détails de ces marques qui structurent le paysage terrestre. Plus qu'un monde nouveau, c'est la face méconnue de nos villes que ces photographies nous invitent à découvrir, et en particulier celle des toits de New York. 

La visite des toits de la métropole à laquelle nous convie MacLean concourt alors à une transfiguration du visage de cette ville-monde, pourtant omniprésente dans les représentations occidentales de l'urbain. Toutes les activités et les fonctions qui se déploient sur les toits, inaccessibles à vue de piéton, nous sont ainsi révélées. Des multiples terrasses qui se côtoient dans les airs aux piscines ou aux terrains de basket qui parsèment le paysage, les toits se dévoilent dans toute leur diversité. Dès lors, c'est une ville flottante insoupçonnée qui se manifeste, une ville aux lieux secrets et aux usages inattendus. Une vie aérienne s'affiche ainsi au fil des images, qu'il s'agisse de ces résidents jouissant de l'opportunité d'un toit aménagé dans Greenwich Village pour profiter du soleil ou de ces jardiniers à l'oeuvre sur une pelouse du Rockfeller Center. Ce sont également les usages quotidiens de la ville qui se déploient sur ces toits, à l'instar d'un groupe de jeunes jouant au basket sur un sommet goudronné et entouré de grillages, ou de l'animation d'une terrasse-restaurant le long de la 5ème avenue, loin au dessus du tumulte urbain. 

Outre les surprises dévoilées par ces photographies, l'ouvrage attire également l'attention sur des enjeux urbains contemporains, et témoigne des adaptations de l'homme à son environnement et au manque d'espace dans des métropoles sans cesse croissantes. Longtemps abandonnés à leurs fonctions primaires, les toits de New York font en effet l'objet d'un renouveau massif, touchant tant des petits ensembles résidentiels que des gratte-ciels, d'usages institutionnels ou privés. Se superposant souvent à la structure initiale du bâtiment, c'est par rajouts progressifs de matériaux divers que se configurent de nouveaux espaces en hauteur, certains à l'allure parfois bancale et fragile, d'autres beaucoup plus élaborés. Ces espaces initialement destinés à la tuyauterie deviennent donc progressivement intégrés à l'espace du "chez-soi", individuel ou collectif, pour les habitants de nombreux immeubles. Propices à l'échange pour ceux qui y ont accès, les toits deviennent ainsi de nouveaux espaces urbains de sociabilité. 

Mais à l'heure où les préoccupations environnementales deviennent de rigueur, c'est surtout la transformation écologique des toits que ces photographies illustrent. L'émergence des pratiques de blanchiment et de végétalisation des toits révèle effectivement cette volonté publique de limiter l'assimilation urbaine de calories solaires et de rafraichir la ville   . Enfin, la multiplication des toits destinés à l'agriculture urbaine illustre leur intégration croissante au fonctionnement de la ville. Que ce soit à Brooklyn ou dans le Queens, il est surprenant de constater que certaines surfaces cultivées, insoupçonnables depuis le sol, atteignent un demi hectare et fournissent directement certains restaurants locaux. 

Ainsi, en dévoilant tant l'émergence des toits-verts et les préoccupations environnementales qui lui sont sous-jacentes que les utilisations institutionnelles ou le luxe inaccessible de certaines terrasses à l'abri des regards, l'auteur dresse un portrait pertinent des toits de la métropole et révèle leur importance croissante dans la production de la ville. L'usage collectif des toits ainsi que leurs transformations écologiques illustrent en effet comment leur utilisation raisonnée peut s'avérer un antidote à certains des maux de la ville contemporaine. Cependant, ces différentes photographies soulignent également l'ambivalence de cette nouvelle passion pour les toits. Ouvrant la voie à une végétalisation de la ville et à la création de nouveaux espaces urbains, cette revalorisation des toits peut également contribuer à faire de leur accès un privilège réservé à quelques citadins pouvant s'offrir le luxe de s'isoler du tumulte urbain et de se retirer de la vie publique