Ce livre présente les différents travaux d’André Green, notamment autour du concept d’état-limite.

L’ouvrage de Gérard Pirlot et Dominique Cupa se propose de présenter les grands concepts psychanalytiques élaborés par André Green en exposant ses principales théorisations et leur spécificité puis en montrant dans une seconde partie leurs implications dans le champ clinique. Décédé à Paris le 22 janvier 2012, André Green est l’auteur de nombreux ouvrages : le Discours vivant - la Conception psychanalytique de l’affect, Narcissisme de vie, Narcissisme de mort, la Folie privée - Psychanalyse des cas limites, le Complexe de castration, Jouer avec Winnicott… Psychiatre, psychanalyste, il a notamment été directeur de l’Institut de psychanalyse de Paris, professeur à la Freud Memorial Chair de l’University College London et président de la Société psychanalytique de Paris. Ce livre présente les principales élaborations théoriques d’A. Green, notamment ses travaux sur l’affect et le langage, le travail du négatif ou encore les "états-limites", en s’attachant plus particulièrement à mettre en évidence leurs liens avec le travail de la cure psychanalytique.

L’étape préalable de la formation psychiatrique a joué un rôle majeur dans le parcours d’A. Green, expliquent les auteurs en introduction . "Je croyais au cerveau, il a fallu que je sois confronté à la fois à des situations de transfert de la part des patients et aussi à des difficultés à vivre la situation institutionnelle de  psychiatre pour que je me décide à m’orienter vers l’analyse", écrit-il. Les auteurs rappellent également le cadre théorique dans lequel se situent ses travaux. Dans son "rapport de Londres en 1975",  soulignent-ils, A. Green avait déjà proposé de distinguer trois mouvements historiques dans l’évolution de la psychanalyse, les mouvements freudien, post freudien et contemporain. Si le modèle freudien fait de la névrose son "cas paradigmatique", et si la psychose et l’enfant constituent les références cliniques privilégiées du post freudisme, la psychanalyse contemporaine, elle, prend acte de la prévalence des structures non névrotiques (les cas limites) dans la pratique analytique.

L’ouvrage s’ouvre par un chapitre sur la notion d’affect, qui constitue l’un des principaux axes de la réflexion d’A. Green. En ce qui concerne l’origine de l’affect, il apparaît, comme chez Freud, comme un processus dérivé de la pulsion. Des comportements notables de passage à l’acte peuvent parfois s’expliquer chez certains sujets par des affects puissant destructeurs constituant "comme le double fond du travail psychique", écrit-il. A. Green avance que dans ces cas, les processus de médiation psychique qui s’expriment principalement par l’activité onirique, fantasmatique et le jeu se traduisent par des manifestations d’états dans lesquels sujet et objet ne sont pas séparés. L’affect a également pour lui un aspect régulateur, mais il faut pour cela que le préconscient, c’est-à-dire en quelque sorte le lieu intermédiaire entre la conscience et l’inconscient, puisse avoir les capacités transformatrices nécessaires. Pour A. Green, c’est l’automaticité de cette transformation des motions pulsionnelles qui peut être mise en échec, soulignent les auteurs. Telle est pour lui la leçon de "Au-delà du principe de plaisir".

Les auteurs abordent également le concept de limite, autre notion majeure dans l’œuvre d’A. Green. A partir de 1975, s’appuyant sur le travail avec les cas limites, les structures non névrotiques, il propose un modèle explicatif des fonctionnements limites autour de quatre mécanismes : le clivage, le désinvestissement, l’agir et la somatisation. Avec ses travaux, poursuivent les auteurs, la question des limites va progressivement s’imposer comme nouveau paradigme théorico-clinique. Du point de vue symptomatique, A. Green note que le "partage affectif" ne permet pas chez ces patients, par le biais des identifications, de reconnaître leurs affects et de leur conférer un sens. Il évoque une "indifférenciation représentation/affect" signe d’une "souffrance sans fond". A. Green avance que les patients limites, en raison de leur incapacité à créer un espace potentiel, un lieu d’élaboration transitionnelle, créent des symptômes qui en remplissent la fonction. Ce défaut constitutif de l’état-limite favorise l’agir, le débordement affectif et les comportements addictifs.

Ce livre met en lumière les apports d’André Green, l’un des principaux théoriciens de la psychanalyse contemporaine, tant sur le plan théorique que du point de vue de l’approche clinique. Comme le soulignent les auteurs, A. Green offre l’élaboration d’un modèle théorique et clinique indispensable aujourd’hui du fait de la clinique des organisations non névrotiques (les cas limites); il reformule les fondements de la métapsychologie en respectant l’édifice freudien et en y incluant les apports de penseurs comme Jacques Lacan, Donald Woods Winnicott et Wilfred Ruprecht Bion dont les influences seront abordées dans un second ouvrage