'Remixé', cet itinéraire initiatique érudit et cosmopolite, écrit par des connaisseurs de la scène électronique, a gardé toute sa pertinence.

Si le rock, ce fringant quinquagénaire objet de culte autant que d’étude, a déjà inspiré un nombre considérable de volumes, les musiques électroniques – et a fortiori la techno, longtemps toisée avec condescendance – n’occupent encore que bien peu de place dans les rayonnages des librairies. Ainsi la publication en 1999 (aux éditions du Camion Blanc) de Global Tekno est-elle venue combler un vide éditorial, particulièrement criant dans un pays remis au goût du jour, grâce à la razzia mondiale effectuée au mitan des années 1990 par ce que l’on a appelé "la french touch" (Daft Punk, Air et consorts). Devenu introuvable, cet ouvrage – un "voyage initiatique au cœur de la musique électronique" coécrit par trois journalistes férus de cultures électroniques : Jean-Yves Leloup, Ariel Kyrou et Jean-Philippe Renoult – reparaît aujourd’hui, chez Scali, dans une version modifiée – pour ne pas dire "remixée"…

Le changement d’éditeur entraîne quelques changements de forme : le format album de la version originelle est abandonné au profit du format pavé, caractéristique des éditions Scali ; les photos de Pierre-Emmanuel Rastoin perdant au passage leurs couleurs (ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose, tant le gris va bien aux musiques électroniques), et le titre se mue en un Global Techno, qui se montre moins respectueux du code de la rue mais plus soucieux de justesse orthographique – sans toutefois se convertir totalement au français   . En revanche, le fond du livre reste identique : découpé en treize chapitres, qui correspondent à autant d’étapes dans des villes emblématiques et se lisent comme des reportages, Global Techno s’apparente à une traversée passionnée de l’histoire de la musique électronique, au long de laquelle sont recueillis les témoignages de nombreux acteurs-clés, plus ou moins célèbres, de cette histoire. Le voyage débute par la sainte trinité américaine – New York, Détroit, Chicago – et se termine par Sheffield (fief du prestigieux label Warp), Montréal (carrefour important de la scène contemporaine) et Tokyo (métropole high-tech, s’il en est), trois électroniques cités absentes de la première édition. Sur le plan de route figurent aussi, bien sûr, Londres, Paris, Barcelone et, surtout, Berlin, la capitale allemande, emportée par la déferlante techno à la chute du Mur, s’étant peu à peu hissée au rang de Mecque de la musique électronique – une Mecque plus ultra vers laquelle tous les amateurs doivent, tôt ou tard, partir en pèlerinage…

Visant à élargir encore le champ de perception du lecteur, plusieurs longs entretiens (avec, entre autres, Carl Craig, Aphex Twin, Luc Ferrari ou Jean-Michel Jarre…) sont proposés en guise de bonus à cette réédition. Si un texte intitulé Archéo Techno, entreprenant une brève approche généalogique de la question, complète le parcours, font cruellement défaut une discographie détaillée (pour la prochaine réédition ?) ainsi qu’une bibliographie ne se limitant pas aux autres ouvrages de Leloup, Kyrou, Renoult et Rastoin…

En dépit de ces petites carences, Global Techno, qui défend joliment l’idée d’une érudition baladeuse, apporte une pierre toujours aussi précieuse à un édifice éditorial encore en devenir.


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crédit photo : nouQraz / flickr.com