Rarement l’Etat-nation aura été aussi jaloux de sa culture que dans le domaine littéraire… Presque exclusivement rattachée à la langue du pays, la littérature n’est envisagée à l’école que dans sa dimension nationale. Les rares auteurs européens - les autres n’existant quasiment pas - ne sont traités qu’à la marge. La culture, la vraie, est nationale ou elle n’est pas…

Comment dès lors envisager la prise de conscience d’une identité multiple ? Un français qui n’a aucune idée de qui est Dante, auteur italien par excellence, ne pourra que se sentir différent du florentin qui connaîtra autant La Divina Commedia que son voisin gaulois Les Misérables. La littérature enseignée à l’école n’est pas la seule discipline dans laquelle la nation a exercé son pouvoir d'hégémonie culturelle, mais c’est sans doute ici que le manque d'ouverture est le plus criant. Dans les pages "Débats" du Figaro, Guy Fontaine, créateur de la Villa Mont-Noir, lance un appel à la prochaine présidence française de l’Union pour que la littérature européenne soit étudiée en classe, ce qui est l'une des conditions de la citoyenneté européenne. Au niveau du Conseil de l’Europe (organisation paneuropéenne qui regroupe 47 Etats dont La Russie et La Turquie), une recommandation devrait être votée au printemps prochain à ce sujet.

Annick Benoit-Dusausoy et Guy Fontaine sont les auteurs de : Lettres européennes. Manuel universitaire d'histoire de la littérature européenne aux éditions De Boeck.



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Crédit photo: www.flickr.com/ "The Last King of Gatineau"