Lundi 9 juillet dans Libération, un groupe d’élus socialistes majoritairement aubrystes lançait un appel "pour une gauche durable". Le ton était donné : "L'appel à la croissance pour relancer l'emploi ne suffira pas. La croissance productiviste et consumériste des Trente Glorieuses pourrait bien n'être que la nostalgie d'une génération."

La création de ce collectif annonce la bataille des idées à venir au sein de l’actuelle majorité, avec pour ligne de mire le congrès et pour objectif inavoué l’opposition au gouvernement. Les positions de François Hollande en faveur du nucléaire, l’éviction de Nicole Bricq du ministère de l’Ecologie : la tendance écologiste avait des raisons de s’inquiéter. La naissance de la Gauche durable ressemble à une mise en garde.

L’idée avait pourtant été lancée par François Hollande, alors premier secrétaire du Parti socialiste. En 2005, Libération indiquait : "François Hollande a profité de ses succès de 2004 pour mettre sur le marché son concept de "gauche durable". Il s'agit de rebâtir sur les ruines de la gauche plurielle, morte le 21 avril 2002, "une coalition" qui soit capable de proposer "un contrat" de gouvernement.". Interrogé sur la filiation entre les deux mouvements, le député Olivier Dussopt répondait récemment "Je n’étais pas au courant". La Gauche durable n’est décidément pas un hommage au Président.

Le collectif promet la vigilance. En plus de manifester sa réticence à la croissance défendue par le gouvernement ("Le piège de la croissance pour relancer l'emploi ne suffira pas."), il déclare vouloir favoriser une autre vision du progrès, attachée à la durabilité, seule en mesure de rénover la démocratie : "Repenser notre modèle de croissance, remettre l'égalité des territoires au cœur de l'action publique et créer des cadres démocratiques et participatifs nouveaux." Préoccupée par les bons résultats de la candidate du Front national dans les milieux populaires lors des dernières élections, la Gauche durable dit vouloir les inclure dans son projet, à un moment où l’écologie apparaît détachée des réalités vécues : "Nos électeurs ne sont pas tous des fachos mais ils se sentent déclassés, exclus et sont inquiets. La gauche ne doit pas les abandonner et penser le nouveau modèle de développement avec eux", déclarait au Monde Laurence Rossignol, sénatrice de l’Oise. Pour Olivier Dussopt, le collectif n’est pas destiné à faire obstacle à l’action du Premier ministre ; il rassure : "Nous soutenons le gouvernement de toutes nos forces. Mais en même temps, nous sommes persuadés qu'il faut traiter le mal à la racine et s'inscrire dans un autre modèle de croissance. Il faut aller et voir plus loin", et d’insister : "il n'y a rien dans [notre] démarche qui soit en hostilité ou en opposition avec la politique menée par le gouvernement, au contraire. C'est complémentaire."

Au JDD, le député ardéchois justifiait ainsi l’appellation du groupe : "Quand on regarde 1981, ça s'est soldé par une défaite aux législatives de 1986. Quand on regarde 1988, on a perdu en 1993, après 1997, on a perdu en 2002. Nous considérons que la gauche doit durer pour être efficace, avec une échéance plus longue qu'une seule législature." Il oubliait l’échec du mouvement lancé en 2005… La Gauche durable, bon ou mauvais présage ?