Un hommage aux sept membres des Jeunesses communistes exécutés au terme d'un procès tenu au palais Bourbon en 1942.

L’ouvrage du journaliste Emmanuel Lemieux se veut une biographie consacrée à un des jeunes martyrs de la Résistance, Tony Bloncourt. Il propose une étude historique à deux versants : l’étude de la victime et de ses compagnons de malheur, et celle des bourreaux et de leurs complices, le responsable de la première brigade des renseignements généraux, chargé en 1941 de la surveillance des militants communistes, et Jean Mamy, le cinéaste collaborationniste qui filme le procès.

Emmanuel Lemieux retrace l’itinéraire d’un jeune communiste presque ordinaire dans des années extraordinaires. Tony est né en 1921 à Port-au-Prince : fils d’un grand blessé de guerre, sa famille s’était installée en Haïti dans l’immédiat après guerre. Il vient terminer ses études en métropole en 1938 au lycée Rollin devenu depuis Jacques Decour. Lemieux décrit l’influence des enseignants sur les élèves dans ces temps de Front populaire finissant et dans les débuts de cette drôle de guerre. Tony milite aux Jeunesses communistes dans le XIe arrondissement parisien.

Faute de document de première main, l’auteur s’attache à retracer un contexte. On regrettera qu’il ait préféré faire des digressions sur la période plutôt que d’aller rechercher dans les archives des éléments qui auraient permis de comprendre plus directement le fonctionnement du PCF et la vie communiste entre 1938 et les premières années de la guerre. Ceci aurait également permis d'éviter des affirmations hasardeuses comme : "les étudiants communistes, organisation détachée des Jeunesses communistes", ou comme l’attribution à Auguste Havez de la négociation de la reparution de L’Humanité en 1940 en lieu et place de son principal acteur Maurice Tréand. Cette absence de connaissance du sujet donne l’impression que plusieurs développements n’ont que de lointains rapports avec Tony Bloncourt. Par ailleurs, l’auteur emprunte beaucoup aux travaux d’Eric Alary (Un procès sous l’occupation   ), de Franck Liaigre et Jean-Marc Berlière (Le sang des communistes   ) et aux mémoires de Gilbert Brustlein (Chant d’amour d’un ancien terroriste à la retraite   ), ce qui donne parfois aux connaisseurs du sujet une impression de déjà lu.

C’est en même temps parce qu’il s’appuie sur des travaux solides que la partie consacrée au passage à la lutte armée restitue d’avantage les enjeux et la complexité du phénomène. Entre juin et octobre 1941, Tony participe avec plusieurs de ses copains des "JC du XIe" à des actions armées. Assez rapidement, ils sont repérés puis filés par la police. L’analyse de la traque de Tony Bloncourt et de ses camarades, fondée sur l’analyse des archives de la préfecture de police, est plus solide. Elle vient souligner après d’autres études le travail de limier des policiers, mais aussi et surtout la difficulté de la clandestinité pour des lycéens ou des jeunes étudiants. Le travail de la police est justement facilité par le fait que la majeure partie de l’environnement de ces jeunes communistes est déjà sous surveillance et que ces jeunes militants vivent en bande. Leur impréparation est un autre signe distinctif. Le jeune Tony, passé au travers des arrestations du reste du groupe, tombe lors d’un contrôle d’identité, son extrême nervosité provoquant un délit de fuite. Dès lors, les interrogatoires menés par les policiers viennent confirmer les filatures et les enquêtes. Tony Bloncourt ne peut que passer aux aveux.

Reste le dernier élément : le jugement. Tony et ses six camarades sont jugés entre le 4 et le 6 mars 1942. Reconnus coupables de dix-sept actions armées, ils sont condamnés à mort et exécutés le 9 mars 1942 après un procès tenu dans la salle des fêtes de l’Assemblée nationale, où Jean Mamy est en pleine réalisation de l’un des films-symboles de la collaboration, Les Forces occultes. Mamy a été le dernier fusillé après la guerre pour intelligence avec l’ennemi. Le commissaire de police responsable de l’arrestation des sept jeunes condamnés a obtenu ses indemnités pour sa retraite de policier.

Au total, Emmanuel Lemieux restitue avec une certaine émotion cet épisode tragique de la résistance et de l’instrumentalisation de la mémoire des "bataillons de la jeunesse"