Le destin d'une famille bourgeoise blanche en Afrique du Sud. Quand l'histoire familiale et privée se mêle à celle de l'Afrique du Sud et de l'Apartheid.

Née au milieu des années 70 en Afrique du Sud, au Cap, l'enfance et l'adolescence de Karlien de Villiers ont été marquées par le régime de l'Apartheid et par son déclin. Dans cette autobiographie, elle nous fait partager son histoire et celle de sa famille durant cette période troublée, ponctuée d'attentats et d'émeutes. 

Seconde fille d'un couple d'Afrikaners, Karlien doit rapidement faire face, avec sa sœur Nathalie, aux relations conflictuelles entre ses parents. Sa mère, Petronella, sur laquelle l'auteur focalise particulièrement son attention, et son père, Johan, divorcent en 1982. La première, seule avec ses deux fillettes et sans diplôme, se retrouve alors condamnée par l'église (l'église réformée hollandaise, soutenue par le pouvoir en place) en raison de cette séparation, tout en devant se battre quotidiennement pour ne pas être happée par la misère. Pendant ce temps, Nathalie et Karlien continuent de fréquenter l'école où elles sont abreuvées de propagande nationaliste.

Si le sujet principal de la bande dessinée n'est pas l'histoire politique et sociale de l'Afrique du Sud, mais le déchirement d'une famille qui finira totalement éclatée, celle-ci y tient cependant une place importante. De la même manière que Johan de Villiers s'éloigne peu à peu de son ex-femme et de ses filles (sa nouvelle épouse, Anna, refusant de s'occuper d'enfants), le pays se déchire et l'ancien régime voit sa fin approcher. Ainsi, la mort de Petronella en 1987 prend presque une dimension métaphorique : elle achève l'anéantissement des liens familiaux bancals qui liaient les de Villiers, au même titre que la fin de l'Apartheid consacre la fin d'un ordre social inhumain. Bref, un nouvel équilibre est atteint, après de nombreuses années de troubles, bien que l'on sente encore les douloureuses cicatrices.

Œuvre touchante, Ma mère était une très belle femme retrace avec émotion le destin de la famille de l'auteur, le liant avec subtilité à celui de l'Afrique du Sud. Le graphisme, cependant, pourra déplaire à certains en raison du style un tantinet enfantin de Karlien de Villiers. Cette BD reste toutefois bouleversante, accessible, nous offrant un juste panorama des conditions de vie de la classe moyenne blanche en Afrique du Sud dans les années 70 et 80. 


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Crédit illustration : Villiers, Ma mère était une très belle femme © Ca et La