Delisle nous emmène visiter la Birmanie en poussette. A ne pas manquer.

Guy Delisle s’est déjà rendu célèbre par son carnet de voyage BD Pyongyang, sur son voyage en Corée du Nord où il travaillait pour un studio de dessin animé. Cette fois, c’est en tant que père de famille et époux d’une expatriée de MSF qu’il part en Birmanie. Dès les premières pages, le parti pris de raconter l’ordinaire, le quotidien d’un père de famille expatrié et sans travail, éveille la curiosité. Guy Delisle est fatigué, suant et s’ennuie au rythme des promenades dans Rangoun et des courses au supermarché. Un an c’est long, pense-t-on en refermant le livre. Pourtant l’auteur a dessiné une œuvre touchante et authentique dont le lecteur, au moins, ne se lasse pas. On imagine volontiers les rues de la capitale, les habitants, et les moines bouddhistes déambulant le matin en quêtant leur nourriture. Alors même que Chroniques Birmanes est réalisé à l’encre en noir et blanc, on invente volontiers les couleurs et les nuances du pays.

C’est avant tout un regard sur les gens que nous propose l’auteur. La nature et les paysages ont leur place mais le trait de Delisle ne se plie pas volontiers à les représenter. Il est plus à l’aise lorsqu’il traduit les attitudes, les expressions de ses personnages. À commencer bien sûr par lui-même, auteur-narrateur qui nous livre une vision très personnelle et intime de son voyage : de la phobie de la grippe aviaire au séjour de méditation dans un temple bouddhiste, le lecteur vit la Birmanie au rythme des découvertes de l’auteur, et même si les histoires courtes qui composent la BD ne sont pas datées, on croirait lire un journal de bord méticuleusement constitué et organisé.

Le plus agréable dans cette promenade birmane, c’est que Guy Delisle n’est pas un super héros. Il ne laisse pas son lecteur frustré d’aventures, il essaie au mieux de participer à la vie sur place, de faire connaissance avec des Birmans, notamment en donnant des cours d’animation. Mais il ne cherche pas non plus à jouer les têtes brûlées, il a peur de la grippe aviaire, il blémît quand il voit une femme laver un verre, dans lequel il a mangé, avec un chiffon répugnant. Il se rêve en héros délivrant Aung San Suu Kyi mais préfère rester dormir qu’aller braver les soldats qui gardent la jeune femme en résidence surveillée. Le regard de Guy Delisle n’idéalise pas, il ne fait pas d’humour déplacé, il ne juge pas, il montre. C’est un précieux reportage, touchant et tendre, sur la Birmanie, les Birmans, les humanitaires, la vie d’homme au foyer en terre étrangère, la dictature, les emails. Un bonheur.