Combien de figures historiques du Parti socialiste regardent l’avenir avec la même quiétude qu’ils cultivent vis-à-vis du passé de la gauche ? Daniel Vaillant dissimule mal derrière sa nostalgie des années Mitterrand une jubilation continue à participer à la vie politique française et à ses soubresauts. Il l’a encore prouvé ces dernières semaines en défendant bec et ongles son rapport en faveur de la légalisation du cannabis. L’argument de l’ancien ministre de l’Intérieur tient en trois points :

- Il y a en France 4 millions de consommateurs occasionnels ou plus réguliers de cannabis, et 13,5 millions de personnes disent en avoir déjà consommé. Au nom de quel principe interdirait-on un produit aussi largement répandu que le tabac ou l’alcool ?

- Il n’y a pas de preuve scientifique que la consommation de cannabis entraîne nécessairement la consommation de drogues dures, contrairement à ce qu’affirment de nombreuses personnalités politiques.

- Il est hypocrite de dire que les trafiquants de cannabis se reporteront sur les drogues dures, car c’est déjà le cas de la plupart d’entre eux, notamment dans les quartiers en difficulté. Légaliser le cannabis, ce serait donc désembouteiller les tribunaux et permettre aux policiers de lutter efficacement contre les trafics. En tant que producteur et vendeur, l’Etat gagnerait suffisamment d’argent pour lancer des campagnes de prévention à grande échelle.


Achevée sur cette question épineuse, la dernière Cité des Livres de la saison 2010-2011 a permis au député-maire du XVIIIe arrondissement de Paris de livrer longuement à son auditoire son expérience de plusieurs décennies de vie militante, à l’occasion de la parution de PS, 40 ans d’histoire(s) (L’Archipel). Proche d’entre les proches de Lionel Jospin puis Bertrand Delanoë, Daniel Vaillant s’est forgé aux affres du combat politique dans son XVIIIe arrondissement natal, là où il réussit à détrôner le CERES dans les années 1970 au profit des mitterrandistes. C’est aussi là qu’il a su mesurer les excès de "la marmite présidentielle" dans laquelle nous baigne la Ve République, et prendre goût à la citoyenneté locale et à ses défis. Ainsi aime-t-il rappeler qu’à l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, la cité Charles Hermite, coincée entre le boulevard Ney et le périphérique, votait à 80% pour le Front National (FN). Décidé à ne pas abandonner ces habitants, majoritairement issus des classes populaires, Daniel Vaillant fut parmi les élus qui prirent leur bâton de pèlerin et sillonnèrent les marchés pour ramener ces électeurs dans le camp de la gauche. Dès 1983, le quartier votait déjà deux fois moins pour le FN. Aujourd’hui, le parti de Marine Le Pen y fait encore 12 %.

Daniel Vaillant est aussi l’homme d’une tradition socialiste, attachée au parti de militants, et donc opposé, par principe, à l’idée des primaires. A ses yeux, le PS doit affirmer sa légitimité de parti d’opposition, s’appuyer sur son réseau très large d’élus locaux et cesser de se laisser marcher dessus par ses partenaires d’Europe-Ecologie Les Verts ou du Front de Gauche. "La rose et le poing doivent s’affirmer", clame-t-il. C’est le respect des logiques majoritaires qui doit dicter les choix de la gauche au pouvoir. Daniel Vaillant reste en cela fidèle au concept forgé par Lionel Jospin de "nouvelle alliance". Profondément hostile à la stratégie proposée par Terra Nova de se tourner prioritairement vers les minorités et les jeunes, il considère qu’il faut réussir à parler aux classes populaires et moyennes ensemble. Pour cela, le PS doit se renforcer et diversifier son offre politique. Les moyens sont simples, et l’objectif est ambitieux : "Social-démocratiser et moderniser le pays."