Un double DVD vient nous rappeler qu’en quelques années notre rapport au cirque a changé, parce que ce dernier à lui-même bouleversé ses propres règles constitutives. Publié par le CNAC, le CNDP et HorsLesMurs, édité par Jean-Michel Guy et Julien Rosemberg, il nous aide à faire le point sur ce qu’il appelle désormais le "nuancier du cirque" (2011). Pour être bref, soulignons que le cirque ancien modèle relevait d’un art spécifique, renvoyant à tout un spectacle pluridisciplinaire, sous chapiteau, le plus souvent itinérant. Tandis que le cirque contemporain procède des arts du cirque, offrant désormais une multiplication de spectacles de longue durée, qui souvent ne mettent en œuvre qu’une seule des spécialités du cirque. La forme monodisciplinaire est de nos jours sa forme dominante (trapézistes, jongleurs, fildeféristes).

Organisé à partir d’une arborescence – une introduction générale introduit des chapitres, et chaque chapitre contient des sous-entrées – la lecture du DVD est aisée et permet de répondre à de nombreuses questions relatives au cirque, tant durant son histoire précédente, que depuis ses mutations (1980). Evidemment les propos et les extraits de vidéos ou les images ne prétendent à aucune exhaustivité. D’ailleurs les auteurs s’en expliquent sur le document de présentation.

Il n’en reste pas moins vrai que ce travail nous renvoie aussi, d’une autre manière, au thème arts et sciences qui fait le fond de cette chronique. Et par plusieurs biais.

D’abord, il convient de rappeler que le cirque dit traditionnel n’a jamais cessé de mettre en jeu les lois de la nature. Ce fut même longtemps sa raison d’être et le motif à partir duquel le spectateur se laissait entraîner dans les enchantements produits devant lui. Stéphane Mallarmé ne cesse de commenter ce rapport nature-culture dans lequel le cirque, avec animaux ou non, s’épanouit. Le trapèze, le jonglage, la corde, ... nombre de ces numéros mettent à l’épreuve les lois de la pesanteur, de la chute, de l’équilibre jusqu’à intriguer, au-delà du public, force savants.

Ensuite, il importe de souligner que le cirque contemporain – s’il n’a pas totalement abandonné les modes de l’équilibre et de la pesanteur – s’attache maintenant à des dramaturgies et des interactions entre les arts (théâtre, danse, arts plastiques, ...) qui déplacent un peu le souci premier. Le spectacle peut intégrer des réflexions sur les sciences et les techniques, en muant des effets esthétiques en analyseurs des classifications familières, des usages et habitudes de nos cultures. Des interpellations, des interférences, des questionnements le traversent qui déplacent nettement les accentuations et la portée du cirque contemporain.

On saluera donc une initiative bienvenue, laquelle nous brosse un tableau des arts du cirque à l’heure de leur mutation, incluant une nécessaire réflexion sur ce qui dans ce qu’il est convenu d’appeler le spectacle vivant donne matière à une captation des regards dont l’objet n’est plus nécessairement vertigineux et poignant, mais parfois cocasse et caustique vis-à-vis de nos classifications