"Construire une ville intense et solidaire" ces mots extraits des 41 propositions de Martine Aubry énoncées au Forum de la ville  le 6 novembre 2010 ont lancé la nouvelle politique urbaine du Parti Socialiste. Plus qu’un simple regain d’intérêt de la gauche pour ce domaine, il s’agit d’en faire aussi une priorité pour 2012, et de remettre la politique du logement au premier plan. La Secrétaire nationale du PS a ainsi réaffirmé son engagement à Clamart le 16 février 2011 dans son appel pour une " nouvelle politique du logement".
Entres les thèmes de "rénovation urbaine" et du "mieux-vivre ensemble", quelles sont réellement ces propositions et quelle nouveauté par rapport aux précédents plans urbains ?

Le New Deal urbain

 La ligne directrice du projet repose sur l’idée de "réconcilier la ville et ses habitants" comme le montrent les "41 propositions pour une nouvelle société urbaine", fruit d’un travail de près d’un an avec le Laboratoire des Idées. A l’image des projets urbains qui mêlent la volonté de fonder une nouvelle idée de la ville et des mesures pour résoudre les crises du logement et de l’intégration, on peut s’interroger sur la nouveauté d’un projet dont le titre même "New Deal" n’est pas sans rappeler le fameux "Plan Marshall" qu’avait lancé Nicolas Sarkozy en parlant des banlieues en 2008.

Parmi les thèmes de "rénovation urbaine", "crise du logement" et "mixité sociale" qui constituent les points essentiels de toute politique urbaine, les propositions reviennent sur l’idée de penser la ville dans sa "globalité" afin d’éviter les allers-retours habituels entre politique de la ville et "banlieues". Il ne s’agit donc plus aujourd’hui de voir la ville quartier par quartier mais de la voir comme un "tout" en alliant à la fois "l’économie", "l’habitat", les "transports". Les propositions s’organisent donc autour des différentes fonctions de la ville : assurer un espace public "agréable et accueillant" à travers une "ville durable", faciliter le déplacement et surtout résorber le "problème de la "ghettoïsation"". La proposition 17 s’intéresse ainsi à la transition "d’une politique de quartiers à une politique globale de la ville" à travers la disparition du "zonage systématique " au profit d’un "zonage prioritaire" modulable. Cette politique "globale "veut aussi résoudre l’affrontement entre l’Etat et les collectivités locales et décentraliser les politiques urbaines   .

C’est sur ce thème que les propositions se distinguent volontairement de la politique du gouvernement en omettant de parler de la "politique sécuritaire". A la place de la "démolition des bâtiments "- allusion directe à la politique gouvernementale-, il s’agirait de "réinvestir sur le développement urbain" en favorisant des partenariats avec des zones urbaines prioritaires à travers une nouvelle politique de "Zones Franches urbaines Prioritaires" où le soutien de l’Etat prime sur l’investissement des entreprises.
La valorisation des services publics constitue l’autre point fort de ces propositions avec un renouveau en matière de services pour les habitants comme l’adoption de la loi "SRU commerces et services"   qui inciterait les zones commerciales à accueillir au moins 10 % de d’activités de l’économie sociale et solidaire de l’artisanat et 10 % de créateurs d’entreprises.
Les propositions semblent donc brasser large en accordant aussi une place au thème de la "fracture numérique", de la ville comme "lieu d’innovation " avec les 5% de création urbaine destinés à encourager les projets urbains.

La priorité donnée au logement


Le projet de New Deal urbain fait de la crise actuelle du logement souvent pointée du doigt une de ses priorités. "Le logement est un des sujets de préoccupation majeure des français. Nous n’attendons pas 2012 pour agir partout où nous sommes. Les élus sur le terrain, font partout où ils peuvent une politique de logement social". Rappelant le récent rapport de la fondation Abbé Pierre sur le mal-logement et les 3,5 millions de français mal logés, Martine Aubry a aussi évoqué le désengagement financier croisssant de l’Etat.
On retrouve ce souci du logement dans les propositions à travers notamment l’augmentation des logements sociaux de 25 % au lieu de 20 % et donc un durcissement de la loi SRU   . L’autre mesure concerne les loyers et le contrôle de leur augmentation : "Une famille avec enfants ne doit pas consacrer plus de 25 % de son budget à ses dépenses de logement"   .

Quelle nouveauté ?

Ces propositions marquent ainsi le regain d’une "volonté politique" pour changer la politique de la ville, question plutôt délaissée par les politiques car trop "opaque" et relevant du domaine des "spécialistes" dérivant vers le désengagement de l’Etat selon l’urbaniste Emmanuel Heyraud dans son livre La politique de la ville, Maîtriser les dispositifs et les enjeux (Berger –Levrault). Reste à voir quels moyens se donne le PS pour réaliser ce plan urbain. Face au bilan des années Fadela Amara, on peut aussi se demander quelle marge de manœuvre offre la politique de la ville. Le problème de ce dispositif qui relève de plusieurs ministères réside principalement dans son champ d’action.

Si les projets de rénovation urbaine ne manquent pas- allant des opérations de renouvellement urbain (ORU) dans le cadre des Grands Projets de villes (GPV) dans les années 1990 à la création de l’ANRU (Agence Nationale pour la rénovation urbaine) en 2003 que Jean-Louis Borloo, ministère délégué à la ville et à la rénovation urbaine, avait qualifié de "chantier du siècle"   , et dont l’ambition était de transformer les quartiers classés en Zones Urbaines Sensibles- on s’aperçoit rapidement de la difficulté d’être à la hauteur de formules aussi ambitieuses que le "repeuplement urbain" ou "repenser la ville", face aux échecs actuels.

Selon Marie-Hélène Bacqué, architecte-urbaniste et coordinatrice d’un séminaire récent sur la politique de la ville en Seine Saint-Denis, le problème actuel concerne le discours politique et sa rhétorique  : "La politique de la ville depuis 2005 a approfondi deux voix qui étaient déjà engagées et pas du tout efficaces : 1. La démolition, 2. La politique sécuritaire. C’était une question sociale forte et pourtant aujourd’hui on s’aperçoit que tout cela n’était que des promesses. Il y a des efforts qui ont été faits certes mais ces séries d’opérations n’ont pas été menées dans le bon sens. Par exemple, sur les questions de démolition, je ne dis pas que ce n’était pas important mais est-ce qu’il fallait concentrer l’argent là-dedans ? Ce qu’on voit aujourd’hui, c’est que la rhétorique qui sous-tendait ces procédés de démolition, portait sur "la mixité sociale" et, en fait, celle-ci s’est reconfigurée. De ce point de vue les résultats de la rénovation urbaine sont très limités." La mixité urbaine qui occupe une place dans les propositions du PS semble rester un problème majeur dès lors que l’on parle de politique urbaine et complexe peut-être à traiter dans une vision "globale".

Quant au "réalisme " de la nouvelle politique urbaine du PS, Martine Aubry s’appuie sur son expérience locale en tant que maire de Lille pour légitimer son ambition   . Elle y avait mis en pratique sa politique du "care" autour du projet "Lille, ville de la solidarité" où le thème du "mieux vivre-ensemble" était déjà présent ainsi que l’engagement du citoyen comme acteur de sa ville  comme le décrit un article du journal le Monde daté de juin 2006.