Dans un entretien avec Christopher Dickey publié sur le site web de Newsweek, Bernard-Henri Lévy réagit aux propos de la ministre de l'économie. Titre de l'article : "The French Think Too Much".

Pour Bernard-Henri Lévy, il ne fait aucun doute que les propos tenus par le président Sarkozy et sa ministre de l’économie, des finances et de l’emploi ne font pas honneur à la France. Quand Christine Lagarde dit « Assez pensé, retroussons nos manches », BHL ne peut que répondre « I loathe this phrase » (Je vomis cette phrase). Bien décidé à se mouiller dès le début de la courte interview, il précise grâce à une habile anaphore qu’il déteste le poujadisme. Cette révélation est suivie d’une critique de la distinction faite par l’homme de l’Elysée et la dame de Bercy, qui opposent systématiquement réflexion et action – BHL rappelle aux lecteurs de Newsweek qu’une telle opposition ne fait pas sens. Oubliant de souligner que le pourfendeur de la repentance historique ne peut décemment pas prôner une auto-flagellation morale pour cause de péché d’intellectualisme, le philosophe nous gratifie de quelques clichés sur les parcours croisés des hommes politiques et des écrivains en France avant de répondre à une question d’une certaine banalité sur la capacité des Français à se réinventer : « In France you never die. You never disappear. Images build up a powerful inertia. There are people who manage to live an entire life based on one image, one photograph, one word, one moment of television. It's too much. » [En France, on ne meurt jamais. On ne disparaît pas. Les images nous maintiennent dans une grande inertie. Il y a des gens qui parviennent à vivre toute une vie avec l'image qu'on leur a collé à la peau, une photographie, un mot, un instant de télévision. C'est excessif].

Toutefois, l’auteur d’American Vertigo, toujours prompt à utiliser les expressions les plus idiomatiques de la langue de Shakespeare, manque le coche. Défendue par un homme, qui, plus que tout autre, s’évertue à penser et mettre en scène ses propres actions, on comprend mal la légitimité de la thèse selon laquelle les Français penseraient « trop » ; elle est d’ailleurs insensée (voire dangereuse) sur bien des aspects. Et même si c’est bien la position que défend Bernard-Henri Lévy, ses réponses inspirées à des questions peu inspirées montrent justement que lui aussi subit le vertige de la radicalisation.

Boris Jamet-Fournier