Un ouvrage militant qui dérange les idées reçues, en écho au silence du projet de révision de la loi de bioéthique.

L’ouvrage de  Sylvie et Dominique Mennesson est assurément un ouvrage militant. Les auteurs de La gestation pour autrui. L’improbable débat s’emploient à convaincre le lecteur de la légitimité et de l’opportunité de légaliser cette pratique en France, et ne s’en cachent pas. Rien d’étonnant dès lors qu’ils ont eux-mêmes eu recours à cette pratique, il y a maintenant un peu plus de dix ans, en Californie.   Dix ans pendant lesquels ce couple, en même temps qu’il vivait une aventure judiciaire pour le moins rocambolesque, s’est efforcé de faire entendre la voix de ceux qui comme eux, sont confrontés à l’infertilité utérine, notamment en fondant l’association C.L.A.R.A.   .

Leur ouvrage retrace l’évolution du débat sur la gestation pour autrui (GPA) depuis les années quatre-vingt, et leur expérience de ce débat depuis le début des années deux-mille. Il est aussi l’occasion, pour les auteurs, de régler leurs comptes avec certains acteurs de ce débat, non sans une certaine véhémence. Pour le lecteur, il présente une rétrospective, certes orientée, mais assez complète, des différents discours que l’on a pu entendre sur le sujet. Cette présentation n’est pas exhaustive, et les auteurs le précisent. Elle confine parfois à la caricature. Mais si les auteurs ne prétendent pas être objectifs, ils livrent de longues citations de ceux qu’ils contredisent, et s’appliquent à donner de nombreuses références, dont beaucoup renvoient à des documents en ligne, facilement accessibles. Le pluralisme du débat, qu’ils reprochent à leurs contradicteurs de n’avoir pas favorisé   est assez bien respecté. Sont offerts au lecteur les outils pour se faire sa propre idée ce qui, indéniablement, n’est pas toujours le cas dans les écrits sur le sujet.

Ainsi, ce livre est une réponse aux détracteurs de la gestation pour autrui dont les auteurs, au fil des pages, déconstruisent un à un chacun des arguments. Cette déconstruction s’accompagne parfois de l’expression d’une certaine rancœur, plutôt compréhensible lorsque l’on constate la violence des propos tenus par quelques uns des opposants à la légalisation de cette pratique. Une réponse, donc, guidée par les convictions de Sylvie et Dominique Mennesson, mais une réponse construite, solidement argumentée. Ils défendent une cause, celle de la légalisation de la GPA, mais aussi celle de la transcription, sur les registres de l’état civil français, du lien de filiation entre les enfants nés d’une GPA régulièrement pratiquée à l’étranger, dans un pays qui l’autorise, et leurs parents d’intention. A l’heure actuelle en France, cette transcription est refusée. La filiation ne peut être établie, à l’état civil français, qu’à l’égard du père. Cette situation est contestée par les auteurs, qui appuient leurs propos sur les démonstrations de juristes.

D’une manière générale, les arguments opposés à ceux des détracteurs de la GPA sont souvent ceux de spécialistes : médecins, psychanalystes, sociologues, juristes. Les auteurs, tant par leur expérience personnelle que par leur engagement associatif, sont sans doute devenus des spécialistes de la question. Ils se sont rendus en Californie il y a maintenant dix ans, et ce temps écoulé a certainement abouti à la maturation d’une réflexion, dont on peut supposer qu’elle n’a pas débuté avec la naissance de leurs filles mais bien avant. Ils auraient probablement pu trouver la matière d’écrire un ouvrage avec leurs propres arguments. Mais ils ont plutôt choisi de rapporter, en les commentant, les propos des acteurs du débat, d’utiliser des sources identifiables, vérifiables et dont la légitimité scientifique n’est pas soumise à caution. La poursuite de cette démarche fait de ce livre non seulement un ouvrage accessible au grand public, mais aussi, dans une certaine mesure, un outil de recherche, notamment en ce qui concerne les travaux menés à l’étranger. Ceci nous conduit à en recommander la lecture à toute personne qui s’intéresse aux questions posées par la gestation pour autrui.

Cet ouvrage fait aussi prendre conscience, sans pour autant trop s’y attarder, de la situation concrète qui est faite en France aux enfants issus d’une GPA et à leurs parents, ainsi qu’aux couples souffrant d’infertilité utérine. Cette pratique est évidemment susceptible d’entraîner des dérives. Ces dérives peuvent être déjà constatées à certains endroits du globe. Les auteurs ne les nient aucunement, ils les pointent et les condamnent. Pour eux, le meilleur moyen de les éviter est justement de légaliser cette pratique en France, en l’encadrant de manière à ce que les valeurs du droit français soient respectées, notamment celles de la gratuité, et du consentement libre, éclairé et révocable. La gratuité pourrait être protégée par l’intervention du juge, qui fixerait le montant de l’indemnité que verseraient les parents d’intention à la gestatrice, pour couvrir les frais de sa grossesse qui ne seraient pas pris en charge par les organismes de protection sociale. Cette solution est d’ailleurs préconisée par les deux propositions de loi identiques déposées le 27 janvier 2010 par deux groupes de sénateurs.   Le consentement de la gestatrice serait révocable jusqu’au transfert des embryons. La légalisation, en mettant fin à ce que les auteurs appellent “l’exode procréatif”, éviterait que des couples français se rendent dans des pays dans lesquels l’encadrement de la GPA ne garantit pas le respect de ces principes.

Quelque soit la conviction que l’on ait sur la question avant d’entamer la lecture de ce livre, on en ressort avec une certitude : il est indispensable de mener un débat ouvert et apaisé, sans dogmatisme, sans en exclure quiconque, sur la question de savoir quelle est la meilleure façon d’empêcher ces dérives de se produire.