Un catalogue en français qui complète les ouvrages existants.

Ce catalogue s’attache à présenter les œuvres sur papier de l’artiste américaine Nancy Spero, décédée en 2009, et accompagne l’exposition, dirigée par Jonas Storsve, qui se tient au musée national d’Art moderne. Les trois courts essais et le large cahier de reproductions qu’il contient viennent compléter certaines parutions ultérieures, telle la compilation sélective d’écrits et d’entretiens, dirigée par Roel Arkesteijn, qui donne un accès direct aux sources concernant Spero ((Codex Spero, Nancy Spero, Selected Writings and Interviews 1950-2008, Roma Publications/De Appel Arts Centre, Amsterdam, 2008)). De même, il vient compléter le catalogue d’exposition de la première grande rétrospective de l’artiste, Nancy Spero, Dissidances, qui s’est tenue en 2008 en Espagne (Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia/MACBA, Madrid et Barcelone, 2008), car il retraçait tout son parcours avec un texte d’Hélène Cixous, dont Spero a utilisé les écrits pour son travail, une analyse de Mignon Nixon, et un entretien fort intéressant avec Benjamin H. D. Buchloh. Ces deux ouvrages donnent une approche approfondie des positions de Spero, que le catalogue du Centre Pompidou, qui a l’avantage d’être en langue française, reprécise sur certains points.

Jonas Storsve retrace tout d’abord utilement son parcours, des premières peintures dans la lignée de l’expressionnisme allemand (en raison de sa formation à l’Art Institute de Chicago) aux toutes dernières installations, dont celle, sous forme de frise, intitulée Cri du cœur (2004), qui évoque les deuils dans les guerres et les traumatismes collectifs récents. Il relève les diverses influences qui la marquent, que ce soit Antonin Artaud, le livre des morts égyptiens ou la guerre du Vietnam. L’article suivant, d’Elisabeth Lebovici, replace l’engagement de Nancy Spero au sein du mouvement féministe américain, puis effectue une large digression portant sur Claude Cahun et Marcel Moore, pour, enfin, en venir au travail lui-même. On aurait aimé une analyse plus approfondie de cette implication dans ses travaux papiers, car la question féministe a déjà fait l’objet d’analyses dans des catalogues d’exposition antérieurs, que cet article rend accessibles en langue française. On se référera, notamment, au texte de Tina Teufel dans Nancy Spero, Woman as protagonist (Museum der Moderne/Herbert Boeckel Preises, Salzburg, 2009), qui évoque les groupes féministes des années 1970 et l’influence des ouvrages d’Hélène Cixous – notamment du Rire de la méduse (1975) sur Let the Priests Tremble (1984).

Enfin, le dernier article, écrit par Brooks Adams, analyse la phase de travail qui voit Spero basculer de la peinture aux travaux sur papier, définitivement, comme cela est souligné régulièrement dans les textes. Cet article complète utilement l’analyse menée par Geneviève Breerette dans Nancy Spero, The Paris Black Paintings (Galerie Lelong, Paris, 2007), qui affirme que cette série, réalisée du milieu des années 1950 à 1964, prépare le terrain aux War Series (1966-1970) et esquisse les premières formulations de son esthétique de la colère. Le cahier de reproductions qui suit est très fourni et d’une excellente qualité, et l’ouvrage se clôt sur une chronologie qui retrace utilement les éléments clefs du parcours de Nancy Spero. En somme, cet ouvrage précise certains aspects du travail sur papier de Nancy Spero, mais les analyses auraient pu être plus développées