Inventaire des zones de contact entre entreprises et organisations criminelles : les manageurs ont du souci à se faire.

L’Union Européenne bernée par la mafia sicilienne, qui réussit à détourner 400 millions d’euros de subvention via un faux site de banque. Les primes d’assurance qui explosent pour les armateurs, victimes de détournement de nombreux navires le long des côtes somaliennes. Les rapts fréquents d’employés travaillant sur les plates-formes pétrolières du Nigeria. Autant d’illustrations de la capacité des organisations criminelles à intégrer, comprendre puis arnaquer le monde de l’entreprise. Avec Les nouveaux pirates de l’entreprise, Bertrand Monnet et Philipe Véry, tous deux enseignants à l’école de commerce de l’EDHEC et spécialistes du management des risques criminels, ont décidé de dresser un véritable inventaire de toutes ces zones de friction entre entreprises et organisations mafieuses ou terroristes.


La crise, une aubaine pour le blanchiment d’argent


La crise financière a été une véritable aubaine pour les organisations criminelles, qui ont ainsi pu blanchir des sommes colossales grâce à l’appétit de nombreuses entreprises ou banques en manque de liquidités. Si bien que des organisations mafieuses ont désormais des intérêts de plus en plus importants dans la finance et les entreprises les plus légales.
"La finance internationale est droguée au blanchiment d’argent". Partant de ce constat, les deux auteurs se sont fixés un leitmotiv : le monde de l’économie doit apprendre à identifier la menace mafieuse pour se prémunir et préparer la riposte. Les nouveaux pirates de l’entreprise se veut donc très exhaustif et liste les différentes menaces : destruction, prédation, parasitisme, concurrence…


La mafia n’a jamais eu autant besoin de l’entreprise


Les organisations terroristes, et surtout mafieuses, ont besoin de placer leurs gains et de le faire fructifier dans une sphère économique relativement plus contrôlée. Le monde de l’entreprise constitue par ailleurs une belle opportunité de conversion pour les grandes familles mafieuses, qui adoptent de plus en plus les écoles et les codes des « tops managers ». Les mafias n’ont donc jamais autant rôdé autour des entreprises.
Hedge funds, détournements de marchés publics, manipulation de cours boursiers… Les nouveaux pirates de l’entreprise va donc au-delà du stéréotype de l’escroc reconverti en patron de boite de nuit, de restaurant ou de société de gardiennage.

Des malfrats reconvertis en patrons voyous

Les exemples sont parfois édifiants, comme celui de la construction en 1995 de la ligne de TGV italienne en Campanie.  La Camorra a véritablement phagocyté tout ce projet par le biais de sociétés bidons, avec des participations croisées dans leur capital respectif, des changements fréquents de forme juridique et une rotation accélérée du personnel de direction. Autant de fausses entreprises qui ont permis de remporter presque tous les appels d’offre.
Mais Bertrand Monnet et Philipe Véry ne s’attardent pas longtemps sur chaque exemple, ce qui peut parfois laisser le lecteur sur sa faim. Où ont été construites les contrefaçons de pièces pour missiles qui ont été vendues à l’armée américaine ? Les yakuzas, qui ont monté une vaste arnaque au détriment des banques japonaises au début des années 90, ont-ils été sanctionnés ? La force de cet ouvrage, qui liste de nombreuses affaires, peut aussi se révéler une faiblesse pour le curieux en quête d’une histoire racontée du début jusqu’à la fin.
Si Gomorra est un récit en même temps qu’une enquête en immersion, Les nouveaux pirates de l’entreprise privilégie un angle plus académique et exhaustif qui offre une bonne introduction à toutes ces thématiques et une bibliographie pointue.