Depuis qu’Antoine Compagnon s’est emparé du Cas Bernard Faÿ, le nom de cet universitaire éminent de l’entre-deux guerres ne laisse pas les historiens contemporains insensibles. Professeur au Collège de France, fin connaisseur des Etats-Unis et familier des avant-gardes artistiques, il dirigea la Bibliothèque Nationale de 1940 à 1944. Comme le rappelle Compagnon dans sa biographie, le Maréchal Pétain confia à Bernard Faÿ la mission de ficher les francs-maçons travaillant dans la fonction publique, et d’organiser une propagande anti-maçonnique. Révoqué puis jugé en 1946, il fut condamé aux travaux forcés à perpétuité et à la dégradation nationale, avant d’être gracié en 1959. 

Manifestement, l’ouvrage peu hagiographique d’Antoine Compagnon n’a pas plu à tout le monde. En effet, John Rogister, historien anglais également spécialiste du XVIIIe siècle, lui a consacré un article très sévère dans le Times Literary Supplement du 8 octobre dernier. Ne se laissant pas faire, Compagnon répliqua par une lettre adressée à la revue le 20 octobre dans laquelle il se félicite que "John Rogister- qui bénéficia du parrainage de Bernard Faÿ dans les années 1960, à une époque où Faÿ contribuait à Aspects de la France, revue néo-maurrassienne,  et soutenait la croisade intégriste de Monseigneur Lefebvre contre Vatican II- n’ait pas accueilli favorablement " sa biographie de "son mentor". 

John Rogister a poursuivi la controverse par une nouvelle lettre en date du 27 octobre dans laquelle il pourfend le terrorisme intellectuel d’Antoine Compagnon, se défend d’être l’héritier de Bernard Faÿ, et affirme qu’aucune preuve ne permet d’étayer la thèse selon laquelle Faÿ fut responsable de la déportation de francs-maçons pendant la guerre. 

Rappelons qu’environ 1000 francs-maçons furent déportés pendant la Seconde Guerre mondiale, et 540 furent fusillés ou moururent en déportation

 

A lire aussi : 

- Antoine Compagnon, Le Cas Bernard Faÿ. Du Collège de France à l’indignité nationale, par Rémi Mathis.

- Edouard Launet, "Terrorisme intellectuel", Libération, 4 novembre 2010.