François Mitterrand et la guerre d'Algérie, le documentaire adapté du livre de l’historien Benjamain Stora et du journaliste François Malye, diffusé ce soir sur France 2, retrace le parcours politique de Mitterand autour de son implication dans les exécutions de plusieurs militants du FLN durant la guerre d’Algérie. "Qu’est-ce l’authentique responsabilité politique ?"  a demandé Edwy Plenel   lors de la projection du film organisée par le site Médiapart le lundi 25 octobre. Cette question est l’enjeu principal du documentaire qui met en images l'ascension politique de l’ancien Président,  entachée par ce passé algérien. Les révélations s’enchaînent : quarante-cinq algériens guillotinés avec l’approbation écrite de François Mitterrand, garde des Sceaux à l’époque. Les archives de ces actes d’exécution ou des refus de recours sont signées noir sur blanc de la main du président. Les motivations de cet homme qui a joué un rôle dans la résistance, qui connaît les méfaits de la torture et celui qui, presque bourreau, condamne à mort sans regrets, restent énigmatiques pendant tout le film. ll refuse de donner des conférences de presse durant sa période de Garde des Sceau x (1956-1957) et ne laisse presque aucun écrit sur l’Algérie. Qu'est-ce qui le pousse à s'acharner dans la répression comme le montre l'affaire Iveton   ? Par volonté de faire des exemples ou par simple conviction de ne faire que son devoir ? Le parallèle avec la loi sur l’abolition de la peine de mort devient alors évident,  rachat des fautes passées ou encore simple conviction politique ?

Si le sujet traite d’un tabou dans la vie du président, le retour de mémoire est très explicite. Le documentaire alterne sans cesse entre images en noir et blanc et la couleur, les archives se mêlent aux discours de l’entourage du président, d’André Rousselet à Gisèle Halimi ainsi que d’anciens militants du FLN, le lien entre ce passé et notre présent est le fil directeur du film. Le documentaire met aussi l’accent sur la " temporalité politique de l’époque" selon les termes de Benjamin Stora qui ne permettait pas de traiter ce sujet du temps de la présidence de François Mitterand. "Toute la scène politique avait été préoccupée par Vichy et c’est en 2000 que tout explose et que la mémoire algérienne, encore taboue, refait surface."

Le but du documentaire est surtout de montrer à travers des témoignages équilibrés la force d’une raison d’Etat qui se substitut à tout enjeu moral pendant la guerre d’Algérie. L’exécution est un acte légal qui ne laisse pas de débat possible quant à la responsabilité de François Mitterrand. C’est d’ailleurs face à un public dépité que les écrivains et le réalisateur du documentaire ont expliqué la difficulté, au long de leurs recherches de trouver des "avocats de la défense" pour Mitterand. S’il ne s’agit pas de condamner, le malaise s'installe. Le parallèle entre un Mitterrand signataire d’actes d’exécutions et un Mitterand abolitionniste soulève des questions. Une des hypothèses plausibles reste celle  de la rédemption.  Le malaise persiste car le film pose une autre question : la responsabilité de la gauche dans l’entrée et la gestion de cette guerre. Pendant la Bataille d’Alger, c’est la gauche qui est pouvoir et qui commandite la répression. Le documentaire s'interroge ainsi aussi sur le travail de mémoire politique de cet épisode. Comment utiliser l’héritage de Mitterrand aujourd’hui après ce film ? A l’approche de l’anniversaire des 20 ans de l’élection de 1981, le documentaire peut alimenter le débat

Pour en savoir plus sur le film et le livre:

http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/201010/francois-mitterrand-un-passe-algerien-devoile