Michela Marzano analyse les mécanismes de ce qu'elle nomme "l'horreur réalité" à l'oeuvre dans les snuff movies et dans les vidéos d'exécution diffusées sur Internet, reposant sur l'humiliation et la violence exercées à l'encontre des victimes livrées à leur bourreau. Dénonçant la passivité face à ces images diffusées largement, elle insiste à déchiffrer ces images et à comprendre qu'elles ne peuvent avoir aucune valeur informative.

L'horreur rendue visible


La mort spectacle. C'est ainsi que la philosophe Michela Marzano a intitulé son livre-enquête. Titre pour le moins trompeur. Il laisse croire que l'ouvrage est, en gros, une étude historique sur la mort rendue spectacle par nos aïeux. Et on pense tout de suite aux jeux du cirque de la Rome Antique et aux exécutions organisées sur la place publique à l'époque du Moyen-âge.

 

Mais La mort spectacle ne répond pas à cette espérance, et le lecteur a de quoi se sentir un peu floué une fois qu'il a parcouru les 77 pages. En effet, l'analyse historique est réduite à la portion congrue, trois ou quatre pages tout au plus. Michela Marzano confirme que la barbarie a toujours existé et rappelle, en citant Montaigne, que « la Nature a donné à l'Homme un penchant à l'inhumanité ». Rien de bien surprenant en somme.

 

C'est le sous-titre, « Enquête sur l'horreur-réalité », auquel il faut prêter attention, car à l'évidence, il donne tout son sens à la réflexion de l'auteure. La mort spectacle, ainsi qu'il nous l'est démontré, perdure aujourd'hui sous une forme très différente ; le concept d'horreur-réalité fait bien évidemment référence à celui de téléréalité et serait, en quelque sorte une version extrême et morbide du spectacle audiovisuel.

 

Marzano se penche sur la dimension individuelle et donc psychologique de l'horreur-réalité, aussi bien la souffrance des victimes livrées à leur bourreau que le sadisme des réalisateurs et des metteurs en scène dont l'art consiste à fabriquer un film autour de véritables humiliations, égorgements ou décapitations. Mais l'horreur-réalité comprend aussi la dimension compulsionnelle du voyeur - lorsque certains d'entre nous se gavent d'horreur grâce à la télévision ou internet.

 

Dans ces vidéos, tous les ingrédients d'une fiction sont réunis, sauf, bien entendu, qu'il ne s'agit pas de fiction. Les snuff movies, films clandestins contenant des images de véritables sévices et qui d'après la rumeur, circulaient sous le manteau dans les années 70, existent bel et bien, à notre époque. Mieux, ils circulent librement et peuvent être visionnés gratuitement. La logique est chaque fois la même : les groupes terroristes islamistes filment les meurtres de leurs otages occidentaux et au nom du droit à l'information, des chaînes de télévision ou des sites internet n'hésitent pas à diffuser ces vidéos absolument insoutenables.


 

Des images morbides sans valeur informative

 

La mort spectacle nous alerte sur les dangers qui guettent une société dont un des passe-temps consiste à se délecter d'images cruelles ou, en tout cas, à les regarder de manière impassible au journal télévisé, pendant le dîner familial. Michela Marzano a dès lors raison de dénoncer les dérives du droit à l'information qui conduisent parfois le professionnel de l'audiovisuel, involontairement sans doute, à alimenter la propagande ou à flatter le plaisir morbide du téléspectateur.

 

En conclusion, l'auteure entrevoit une issue au problème de l'horreur-réalité. Lesdits professionnels devraient prendre leur responsabilité et « aider le public à déchiffrer ce genre d'images et à lui expliquer qu'elles n'ont aucun contenu d'information ». Michela Marzano a au moins eu le mérite d'aborder la question de la solution.