De passage à Paris pour une intervention à l’OCDE, M. Mitsutsune Yamaguchi, professeur à l’université de Tôkyô et spécialiste international des questions environnementales a tiré un premier bilan de l’après-Copenhague lors d’une conférence à la Maison de la culture du Japon à Paris.

Le Sommet de Copenhague en décembre 2009 n’avait abouti qu’à une simple déclaration de bonne intention, indiquant que l’ "augmentation de la température devrait être limitée à 2°C d’ici cinquante ans" mais sans qu’aucun engagement global qui soit accompagné d’un mécanisme de sanctions ne soit décidé. Pour M. Yamaguchi, ce sommet marque ainsi la fin du leadership européen, car le projet initial porté par les pays européens visait à réduire de 50 % les émissions de gaz à effets de serre (GES) par rapport à 1990 d’ici 2050. C’est également la fin selon lui de ce qu'il appelle le "Kyoto style", c’est-à-dire la possibilité pour les États d’acheter des droits à polluer s’ils ne peuvent pas baisser leurs émissions de GES.

"Une drôle de loi"

Cette conférence a été également l’occasion de faire le point sur la position du Japon sur ce dossier alors qu’une loi de réduction des émissions de CO2 est en discussion à la Diète. La victoire du Parti Démocrate Japonais (PDJ) en août 2009 a constitué un changement radical dans la politique climatique du Japon. Dans un discours à l’ONU, le nouveau Premier ministre Yukio Hatoyama s’était alors engagé à une réduction de 25 % des émissions de CO2 par rapport à 1990   . La loi fondamentale sur le changement climatique vient confirmer cette volonté gouvernementale d’être à la pointe dans le monde sur les questions environnementales. A court terme, le Japon s’engage à baisser de 25 % ses émissions de CO2 par rapport à 1990 et d’ici 2020 ou de 30 % par rapport à 2005. Cependant, le Japon s’engagerait à appliquer cette loi uniquement si les autres pays industrialisés faisaient de même. "Je suis intervenu à l’Assemblée pour dire que c’était tout de même une drôle de loi, mais les hommes politiques ont leur propre chemin", a ajouté M. Yamaguchi.

Un scénario inapplicable

Avec la démission mercredi 2 juin du Premier ministre Hatoyama, suite au scandale de la base militaire d’Okinawa qui n’a pas été déménagée malgré les promesses, le vote de cette loi pourrait être remis en cause. Cela ne devrait pas déranger outre mesure M. Yamaguchi qui n’a pas caché son opposition à une loi qu’il juge inapplicable et économiquement peu viable. Citant des données issues de l’ancien comité sur le changement climatique du gouvernement du Parti libéral démocrate (PLD), M. Yamaguchi a souligné que cette baisse ferait perdre en moyenne 2000 euros par habitant au Japon par an. Cette baisse du PIB – qui a été d’ailleurs remise en cause par le nouveau Comité créé par le PDJ – n’empêche en rien cependant d’accompagner les mesures économiques par des mesures de justice sociale. De plus, le scénario choisi permettrait de limiter la hausse des températures de 2°C par rapport à la période préindustrielle, ce qui fait sens lorsque l’on sait qu’au-delà, les conséquences pourraient être catastrophiques selon les scientifiques du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).

Pour autant, M. Yamaguchi met le doigt sur un point important : le Japon ne produit que 4 % des émissions de CO2 et une baisse de 25 % décidée de façon unilatérale n’aurait que peu d’impact à l’échelle de la planète. Mais la solution alternative proposée, un transfert de la technologie japonaise vers les autres pays, pour améliorer l’efficacité énergétique dans différents domaines, paraît également maigre face aux enjeux que pose le changement climatique