En début d’année, on donnait les Tories de David Cameron largement vainqueurs d’un New Labour à bout de souffle, à l’image de son leader usé Gordon Brown. Il y a quelques semaines encore, tous les analystes s’accordaient pour dire que le Labour n’avait que très peu de chances de remporter une élection promise au nouveau leader d’un conservatisme surfant sur la vague de la crise financière et porté par l’énergie de la nouvelle clique "etonienne", represéntée entre autres par l’affable maire de Londres, Boris Johnson. D’après les résultats connus pour le moment, il semblerait qu’ils aient eu raison : les conservateurs l’emporteraient avec un peu plus de 36% des voix, contre 29% pour les travaillistes, et 23% aux libéraux-démocrates du trublion Nick Clegg. Alors qu’il reste encore 30 sièges parlementaires non-attribués, une chose est certaine : les conservateurs n’auront pas la majorité absolue de 325 élus requise pour former un gouvernement majoritaire. Dès lors, il existe plusieurs hypothèses, et malgré sa défaite électorale, Gordon Brown n’a peut-être pas dit son dernier mot.   

Aux dernières nouvelles, le Premier ministre écossais, qui n’aura jamais gagné une élection en tant que leader de son parti, aurait lancé un appel en direction des libéraux-démocrates afin de former une coalition anti-conservatrice. Etant donné sa défaite plutôt concluante, il garde l’initiative en tant que Premier ministre sortant, et aurait déjà entamé des négociations avec Nick Clegg et ses amis en vue de former un nouveau gouvernement. Or, ces derniers, qui n’auront pas transformé l’irruption médiatique improbable de leur leader à la suite du premier débat télévisé en gains électoraux, auraient d’autres idées en tête.

Pour espérer chambouler la hiérarchie politique bien établie outre-Manche, les libéraux doivent absolument réformer le système électoral afin d’instaurer un système de représentation proportionnelle, plus à même de les favoriser. Malgré un score plutôt honorable à l’échelle nationale, la particularité du système électoral britannique fait qu’ils ne remporteraient pour l’heure que 51 sièges parlementaires, contre 259 au Labour et 291 pour les conservateurs. Ce matin, il se murmurait du côté de Westminster que les libdems pourraient donc s’allier au parti travailliste en échange d’une promesse de réforme électorale. Même en cas d’alliance ‘Lib-Lab’, l’avenir de Brown demeurerait incertain – certains proches de Clegg laissent entendre qu’un deal de ce genre pousserait l’ex-ministre des Finances de Tony Blair vers la sortie au profit d’un réformiste comme Alan Johnson, ou du plutôt prometteur ministre des Affaires étrangères, David Miliband.    
                          
L’incertitude la plus totale règne actuellement en Grande-Bretagne. David Cameron s’apprête à rendre publique son intention de former un "gouvernement fort et stable avec un soutien étendu, agissant dans l’intérêt national." Clegg, quant à lui, est en position de force. S’il s’allie avec le Labour, il peut espérer influencer la politique au niveau national, tout en attendant la prochaine élection, que son parti pourra enfin espérer contester sérieusement si la réforme électorale passe. Il peut aussi choisir de ne s’allier avec personne, et forcer Cameron à former un gouvernement minoritaire. A 13 heures passées, heure anglaise, cela semblait l’hypothèse la plus probable : Clegg vient tout juste de soutenir la formation d’un gouvernement Tory, mais n’a rien laissé transparaître sur son intention de s’allier ou non avec la formation de droite.

Si Cameron se retrouvait dans l’obligation de gouverner sans le soutien des libéraux, le pays serait quasiment paralysé par le "Hung Parliament" ["parlement suspendu"] qui vient de voir le jour, car il n’aurait pas les voix nécessaires au sein de la House of Commons pour réellement tenter de faire passer son programme de réforme. Cette dernière configuration ne favoriserait certainement pas les Tories, qui pâtiraient de l’état piteux des finances du royaume et d’une réorganisation probable des travaillistes autour d’un leader plus médiatique et consensuel, en attendant la prochaine joute électorale. A l’heure actuelle, l’issue est encore très incertaine, mais il semblerait que ce parlement 2010 ne soit pas fait pour durer. Les bookies anglais, plutôt justes dans leurs pronostics habituellement, considèrent comme probable une nouvelle élection générale avant la fin de l’année en cours. Gordon Brown, lui, abat ces cartes en ce moment même dans une déclaration publique

 

Sources :

- The Guardian, 'Election results : live blog'.

- The Independent, 'Cameron has "first right" to form government, says Nick Clegg'.

- Times Online, 'Election '10 Blog'.