Portrait plaisant de la plus british des chanteuses/actrices françaises.

 A la fois fantasque et secrète, grave et extravertie, Jane Birkin offre un profil difficilement saisissable et représente, pour ses biographes, un authentique défi – un défi qui exige beaucoup d’agilité pour être relevé. Cela tombe bien : d’agilité, la plume de Pierre Mikailoff – déjà auteur de plusieurs ouvrages biographiques   – ne manque pas,  conférant l’aspect d’une exquise friandise (une lollipop pour l’ex-lolita pop ?) à ce Citizen Jane, qui paraît (trop ?) opportunément au moment où sort en salles le Gainsbourg de Joann Sfar. Nimbé d’un inextinguible halo de magie, le couple que Jane B. forma avec Serge G. fait l’objet d’une attention privilégiée de la part de Mikailoff et occupe une place centrale dans son livre.

De la rencontre, suscitée par le tournage durant l’été 1968 du film Slogan, à la séparation, officialisée en octobre 1980, en passant par la naissance de Charlotte en 1971, l’histoire du couple culte des seventies est relatée avec force détails et anecdotes. Pierre Mikailoff s’attarde aussi longuement sur l’union artistique, qui survivra à la mort du couple, entre Gainsbourg et sa muse, à commencer, bien sûr, par Je t’aime moi non plus (la chanson, enregistrée en 1969, et le film, tourné en 1975). De toute évidence, Mikailoff porte à cette période de la vie de Jane Birkin un intérêt proche de la fascination, au point d’en négliger un peu le reste, en particulier les autres relations amoureuses, résumées en quelques paragraphes (John Barry, Jacques Doillon) ou quelques lignes (Olivier Rolin). Cette partialité ne pose pas vraiment problème dans la mesure où le lecteur perçoit assez vite que l’exhaustivité n’est pas le souci premier de l’auteur, et que ce qui fait la limite de Citizen Jane – une certaine forme de désinvolture – en fait aussi le charme. 

« Toute recherche biographique se heurte à cet écueil : le matériau de base est la mémoire humaine. Autrement dit, un magma instable et fragile, en perpétuelle recomposition. Pour ma part, j’avoue qu’il me plaît que l’être posé sur mon petit microscope garde, dans une certaine mesure, sa part de mystère. Quels que soient les efforts déployés pour débusquer les plus infimes éclats de vérité, on ne recueille jamais que ce qu’un individu a bien voulu semer derrière lui. »
 
Glissé page 74, cet aparté un rien désabusé révèle en filigrane les intentions de Mikailoff : conscient de l’impossibilité inscrite au cœur de toute entreprise biographique, il cherche moins à consigner le récit d’une vie qu’à brosser le portrait d’une femme, portrait dans le dessin duquel entrent probablement autant de (men)songes que de faits réels. La vérité, au fond, n’a pas d’importance : existe-t-elle seulement ? Et le plus fidèle des biographes n’est-il pas celui dont l’imagination s’exprime le plus ouvertement ? Laissons les dates aux officiers de l’état civil et concentrons-nous sur les sentiments ! A cet égard, Mikailoff ne prend sans doute pas suffisamment de libertés, lui qui respecte ici cette pesante convention qu’est l’ordre chronologique. 
 
Tel quel, avec ses défauts (dont un piètre portfolio) et ses lacunes, Citizen Jane constitue pourtant un document estimable,  affectueusement dédié à celle, fille d’une comédienne de théâtre et d’un officier de carrière, qui fut l’une des icônes du Swingin’ London et qui, en tant qu’actrice, alla de A comme Antonioni (Blow Up) à Z comme Zidi (La moutarde me monte au nez, La course à l’échalote).
 
De « l’hurluberlue britonne » (la formule est de Gainsbourg himself), qui vient d’avoir 63 ans, Pierre Mikailoff donne une vision à la fois synthétique et sympathique – ses rares critiques se faisant toutes sur le mode allusif…
Une fois le livre refermé, ça ne fait aucun doute : il l’aime, lui non plus