Dans un numéro spécial de janvier 2010, la revue 'Sciences Humaines' revient sur les '20 livres qui ont changé notre vision du monde' depuis 1989. Y sont décrits des ouvrages aussi importants pour les sciences sociales que Les Sources du Moi (1989) de Charles Taylor, Repenser l'inégalité (1992) d'Amartya Sen, Le Choc des Civilisations (1996) de Samuel Huntington ou encore Effondrement (2005) de Jared Diamond.

 

Catherine Halpern évoque également les thèses d'Axel Honneth et son livre majeur pour la sociologie et la philosophie politique de ces dernières années, La Lutte pour la reconnaissance   . Le philosophe allemand, professeur à l'université J.W. Goethe et directeur de l'Institut pour la recherche sociale de Francfort, est un des représentants de la théorie critique allemande, inévitablement associée au nom de Jürgen Habermas. Il rappelait samedi dernier sur France Culture l'importance de la continuation de cette tradition dans les universités pour comprendre les évolutions de nos sociétés démocratiques modernes.

 

La théorie de la reconnaissance de Honneth emprunte à la Phénomonologie de l'Esprit de Hegel l'idée que nous luttons tous les uns contre les autres pour nous faire reconnaître les uns aux autres notre liberté. Plus cette lutte s'intensifie, plus la société doit étendre ses principes de justice. Les luttes sociales ne visent pas seulement à obtenir des progrès matériels mais aussi à faire émerger une reconnaissance. L'homme a donc besoin d'amour dans la sphère intime, d'égalité dans la sphère politique et du sentiment qu'il est utile dans la sphère collective. C'est ainsi que nos sociétés seraient mues par des attentes morales de reconnaissance. Il est toutefois problématique de limiter ce concept de reconnaissance à son sens symbolique ou de l'étendre à d'autres critères effectifs par lesquels les individus se mobilisent pour jusitifier leur existence sociale, tels que l'autonomie, le mérite ou le travail. 

 

La difficulté consiste donc à definir précisément le contenu du terme de reconnaissance. C'est ainsi que la philosophe américaine Nancy Fraser   distingue à partir du modèle américain les luttes pour la reconnaissance d'identités et de différences de celles pour la reconnaissance des inégalités économiques. La primauté des premières aurait nui au succès des secondes. Il faut alors manier le concept de reconnaissance avec précaution pour ne pas le réduire à un terme juridique abstrait quelque peu vidé de son sens, et pour l'inscrire dans un cadre social dynamique où progrès politique et culturel iraient de pair

 

* Catherine Halpern, '1992- Axel Honneth, La Lutte pour la reconnaissance', Sciences Humaines, janvier 2010.