La volonté de la part de Benoît XVI de réintégrer certains prêtres anglicans dans le giron de l’Eglise catholique fait débat depuis une dizaine de jours. Hans Küng, théologien suisse, ancien collègue de Joseph Ratzinger à l’université de Tübingen en 1960, s’insurge ainsi, dans un article publié dans Le Monde du 29 octobre, contre cette volonté de mainmise de l’Eglise catholique sur une des principales branches du christianisme.

Déplorant le retour à une politique religieuse dogmatique du catholicisme romain, Küng -qui avait en son temps participé au Concile de Vatican II en tant que théologien expert- dénonce l’abandon de l’œcuménisme « fondé sur un dialogue d’égal à égal » (que Jean-Paul II avait su initier lors de sa papauté) au profit de ce qu’il n’hésite pas à appeler un « débauchage des prêtres ». Il est vrai que l’exercice du pouvoir papal depuis l’élection de Joseph Ratzinger en 2005 développe régulièrement d’inquiétantes zones d’ombre témoignant d’un durcissement du pouvoir romain, qu’il s’agisse des malheureux propos de Ratisbonne concernant l’islam ou de la réintégration des lefebvristes dans le giron de l’Eglise romaine en passant par la déplorable affaire Williamson.

Si Jean-Paul II avait incontestablement contribué à adoucir l’image du catholicisme en repensant les relations de l’Eglise avec les juifs et en initiant un véritable mouvement œcuménique, l’ancien préfet de la Congrégation pour la foi semble prendre le contre-pied de son prédécesseur en voulant, semble-t-il, renforcer à tout prix ce que Küng appelle « le centralisme romain issu du Moyen Age. » Tout se passe comme si seul importait aux yeux de Benoît XVI de rassembler la grande famille chrétienne, quel qu’en soit le coût et au mépris de la diversité religieuse qui constitue pourtant l’une des richesses intellectuelles du christianisme. Le théologien suisse, dans une formule choc qui ne peut manquer d’interpeller croyants et athées, résume ainsi la position dogmatique du pape : « Hypertraditionalistes de tous les pays, unissez-vous sous le dôme de Saint-Pierre ! », soulignant par là même l’espoir déçu de voir le catholicisme romain passer de « l’imperium romain à un Commonwealth catholique ! »

En ces temps de crispation religieuse et de renforcement des communautarismes, le Vatican, maison mère de la plus grande famille religieuse d’un point de vue démographique, renforce dangereusement le fondamentalisme doctrinal (tant dénoncé à l’endroit d’autres religions), s’éloignant du même coup d’une vertu évangélique essentielle : la tolérance. Qu’un de ses anciens hauts dignitaires et brillant penseur -suspendu en 79 pour ses positions jugées hérétiques- porte l’estocade nous rappelle combien la stricte orthodoxie dogmatique en matière religieuse se veut plus souvent semeuse de discorde que de réconciliation