Du dossier "Deleuze et la musique : un plan de composition" du quatorzième numéro de la revue Inculte, on retiendra surtout l’article de Manola Antonioli intitulé : "La ritournelle : des oiseaux et des hommes".

En s’appuyant sur Qu’est-ce que la philosophie ? et Mille plateaux de Deleuze et Guattari, ainsi que sur L’inconscient machinique du dernier, et avec le concept de "ritournelle" comme levier (articulée ici au fameux binôme "territorialisation" / "déterritorialisation", fort bien réexposé), l’auteur montre de façon convaincante que, face aux ritournelles propres à nos sociétés, standardisées jusqu’à nous faire ressembler à certaines sociétés d’insectes regroupées sur quelques rythmes dont la simplicité est la marque même de l’aliénation, il est cependant possible d’envisager la "déterritorialisation des ritournelles dominantes"   .

Ainsi, les nouvelles techniques et pratiques musicales (sampling, numérisation du son, pratiques du peer to peer, etc.), en rendant poreuses les frontières encore récemment tranchées entre production, reproduction et réception, permettraient de plus en plus de soustraire son écoute à la passivité, et de la rendre créatrice. Dès lors, en introduisant un nouveau type de "désordre culturel"   , on instaurerait une brèche de résistance dans cette simplification inéluctable des ritournelles à laquelle fait tendre la dictature du marché, et mettrait en place de nouveaux jeux dans les processus de déterritorialisation et de reterritorialisation. Un cas d’application convaincant, à l’optimisme réjouissant.


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Crédit photo : rosa_rio / flickr