Commentant article par article la Constitution révisée, Bastien François explore un univers figé.

Alors que la réforme du travail parlementaire peine à se mettre en place   , que le redécoupage de la carte électorale fait l'objet de débats houleux, que quelques députés trouvent dans les rideaux de l'Assemblée nationale une nouvelle arme de lutte politique, c'est un tableau désabusé sinon pessimiste que nous livre Bastien François dans sa Constitution Sarkozy   . La Ve République aurait ainsi fait son nid dans les esprits au point de rendre sa réforme inconcevable.
 
Derrière chaque avancée apparente, l'auteur débusque insuffisances et démarches stériles. Dans une introduction qui replace la révision dans un contexte porteur de réformes, la campagne présidentielle de 2007, Bastien François retrace les enjeux et les défis qui se présentaient aux candidats, puis au comité de modernisation institué par la suite. Le comité Balladur devait ainsi s'atteler à trois chantiers : responsabiliser le pouvoir présidentiel, renforcer le Parlement, impliquer les citoyens de façon accrue. Le résultat est mitigé.
 
Le contrôle des pouvoirs présidentiels semble mal assuré en dépit de la nouvelle rédaction de l'article 13. Selon Bastien François, les modifications touchant le titre II de la Constitution ne font que mettre en valeur le caractère ambigu des institutions de la Ve République, ainsi d'un  président qui se présente davantage comme chef de gouvernement que comme arbitre mais dont l'irresponsabilité politique persiste.
 
Le renforcement des pouvoirs du Parlement se heurte aux pratiques en vigueur. Que signifie une revalorisation du Parlement dans un système où la discipline majoritaire imprègne chaque étape de la procédure parlementaire ? Que signifie une révision constitutionnelle dont les tenants et les aboutissants devraient se matérialiser par la publication de lois organiques   où la modification des règlements des assemblées n'exigeant que l'assentiment de cette même majorité ? Une « série de chèques en blanc ; qui seront encaissés ou pas »   . Une implication renouvelée des deux chambres dans le travail parlementaire ?  Un pouvoir exorbitant accordé à un Sénat dont le mode d'élection n'est pas remis en question.
 
Pour ce qui est de la participation citoyenne, la révision renonce à la mise en place d'un référendum d'initiative populaire. La saisine du Conseil constitutionnel à l'occasion de l'application d'une loi pose des problèmes sérieux de légitimité comme de sécurité juridique. La loi organique définissant l'étendue des pouvoirs du nouveau défenseur des droits est attendue avec inquiétude.
 

 
Montrant l'écart entre les propositions parfois plus ambitieuses du comité Balladur et le texte voté en juillet 2008, Bastien François bâtit toutefois un discours nuancé, qui se félicite de certaines avancées tout en s'inquiétant de leurs possibles effets pervers. En raison de sa concision, l'ouvrage s'attarde peu sur certains aspects que l'on aimerait voir plus développés et assortis d'exemples concrets, ainsi de la révision de l'article 65. En outre, le lecteur pourra parfois se perdre devant une hiérarchisation insuffisante des avancées que présente la Constitution révisée.
 
Mais c'est peut-être dans sa date de publication que la Constitution Sarkozy trouve son défaut majeur. Alors que fleurissent colloques et journées d'étude sur la mise en place des nouvelles dispositions de la Constitution – on pourra ainsi citer la journée d'étude sur la question préjudicielle, organisée par le ministère de la Justice en partenariat avec l'Association française de droit constitutionnel en février ou la journée consacrée début avril, aux lois organiques et à la mise en oeuvre de la révision constitutionnelle organisée par le Centre de recherche de droit constitutionnel de l'Université Paris I – et que seules sa mise en oeuvre et la publication des lois organiques et ordinaires venant préciser ses dispositions permettront de juger de ses effets, la Constitution Sarkozy attend son deuxième tome

 

Marion Tanniou