Ce quatrième tome d'une série sur la chanson française s'avère un peu décevant malgré une indéniable verve.

Après trois tomes corrosifs parus dans les années 90, prenant pour cible la chanson française et ses dignes représentants, Thierry Séchan récidive avec Dernière Salve, quatrième et dernier volet de la série Nos Amis Les Chanteurs. Cette fois, c'est  au tour des grandes figures du rap, du slam et de la variété hexagonales des années 2000 de subir la foudre de l'écrivain parolier, secondé par le jeune auteur Arnaud Le Guern.

Dès les premières pages, le ton est donné : "À côté de nos néo-chanteurs de 2009, nos vieilles stars de 1992 avaient du talent !". Diam's, Jenifer, Bénabar, Abd Al Malik, Cali, Christophe Willem, Manu Chao, Sébastien Tellier, Matthieu Chédid, Christophe Maé, Grand Corps Malade... Tous sont un par un flingués par un Thierry Séchan visiblement très en colère : "Certes, nous sommes sans pitié, mais comment éprouver la moindre compassion pour des gens qui polluent à longueur de temps notre univers sonore ?". Dernière Salve ne se réduit cependant pas qu'à une suite de coups de griffes plus ou moins bien placés. Au delà d'une teinte pamphlétaire relativement dominante, M. Séchan épargne (et encense parfois) un nombre conséquent de chanteurs. Les identités de certains rescapés ne surprendront personne (Alain Bashung, Christophe, Catherine Ringer, Daniel Darc, Hubert-Félix Thiéfaine, Miossec...), tandis que d'autres pourront interpeller: Carla Bruni, Nolwenn Leroy, Doc Gynéco, Raphaël, Rose...

La critique dans Dernière Salve se situe tout d'abord au niveau des paroles des chansons. Les textes de nos chanteurs y sont régulièrement cités, commentés, et parfois même comparés avec ceux d'autres auteurs : on retiendra particulièrement le parallèle, facile mais néanmoins efficace, fait entre "C'est de quel côté la mer" de Didier Barbelivien et "Les yeux d'Elsa" de Louis Aragon. Dans ce domaine, Doc Gynéco s'en sort plutôt bien : certains morceaux de ses deux premiers albums y sont considérés comme "des titres où la langue française est au mieux de sa forme", ou encore Renan Luce, dont "les textes fourmillent de trouvailles poétiques". Les paroles de certains artistes n'auront cependant pas le même succès auprès de Thiérry Séchan. "Les voyages en train" de Grand Corps Malade ne l'ont visiblement pas transporté : "Mou du style. Pas de fulgurances. La langue est raplapla. Elle fait dodo". Même tarif, entre autres, pour Bénabar ("Bénabar est un grand Totor, c'est-à-dire un auteur sans style") ou Manu Chao ("De Clandestino à Me Gustas tu, en passant par "Je ne t'aime plus, mon amour", c'est toujours la même bouillie folklorisante à tendance altermondialiste. Le développement durable, il y a des bordels pour ça").



Aussi étrange que cela puisse paraître, la plastique de nos chanteurs, et plus particulièrement de nos chanteuses, est également un élément soumis très régulièrement à l'appréciation de Thiérry Séchan. Au delà de la simple anecdote, la beauté physique dans Dernière Salve devient un attribut quasi-indispensable à toutes chanteuses dignes de ce nom, et excuse même parfois un certain manque de talent. De Carla Bruni à Nolwenn Leroy, toutes sont très minutieusement passées en revue des pieds à la tête. On sent bien que l'auteur a mis du coeur à l'ouvrage, quitte à oublier, souvent volontairement, de les écouter chanter : "Rose portait une robe courte qui révélait des jambes bronzées à se damner. Il paraît que Rose chante. Nous avons oublié de vérifier mais ce n'est pas grave". La manière dont Thierry Séchan parle des chanteuses n'étant pas à son goût est tout aussi troublante : Juliette se voit ainsi placée dans la catégorie des "grosses chanteuses à lunettes qui poétisent plus haut que leur c...", et l'on apprend que "Sandrine (Kimberlain) n'est pas une chanteuse. Elle n'est pas non plus Carla ou Vanessa. Sandrine n'est pas une étoile qu'on a envie de prendre dans ses bras, un soir d'été, du côté de Bandol. Sandrine casse nos rêves et nos souvenirs". Rien que ça.


Malgré quelques chapitres assez pertinents (notamment celui sur Grégory Lemarchal), Dernière Salve déçoit par son manque flagrant d'objectivité et de finesse. La mauvaise foi de son auteur concernant certains artistes est si palpable qu'elle a tendance à décrédibiliser le reste de son discours, ce dernier se limitant trop souvent au "j'aime, je n'aime pas, je déteste". Le tout agrémenté d'un humour souvent douteux et d'une pointe de misogynie.
Thierry Séchan, grand admirateur du professeur Choron, aimerait certainement que l'on qualifie son livre de "bête et méchant". Le problème est qu'à trop vouloir en faire dans la bêtise et la méchanceté, Thierry Séchan en a presque oublié d'être drôle, et c'est là un des plus grands points faibles du livre