À l'occasion du Salon du livre qui accueille cette année le Mexique comme invité d'honneur, la revue Critique a consacré son dernier numéro, intitulé  "¡Que viva México!", à ce pays.

En huit articles, le numéro se propose de répondre à cette question, posée en introduction par Philippe Ollé-Laprune et Philippe Roger : "Peut-on échapper à l'image complaisante que le nom de Mexique évoque inévitablement et si oui, pour proposer quelle lecture du réel ?"

Nous n'avons du Mexique, le plus souvent, qu'une image assez floue, frappée d'altérité, et sa littérature est assez méconnue dans nos contrées, faute d'une personnalité forte à qui on pourrait l'associer, tel Borges pour l'Argentine ou Garcia Marquez pour la Colombie. C'est que, soulignent Philippe Ollé-Laprune et Philippe Roger, mentionnant la figure cosmopolite d'Octavio Paz, le Mexique et sa production littéraire sont incapables de s'enfermer dans une définition identitaire restrictive.

L'identité est en effet un des enjeux majeurs, repris par la quasi-intégralité des contribution à ce numéro. Bien que faisant partie de l'Amérique latine, le Mexique échappe à toutes les représentations habituelles que l'on y associe en général, et se retrouve pris entre l'image d'un pays se rapprochant de plus en plus des États-Unis - devenant une sorte de "Canada du Sud" - et d'un pays dont la composante "indienne" prévaut fortement.

Ce rôle de l'indianité est étudié plus en détail par Paula Lopez Caballero qui, dans "L'État, l' "Indien" et l'anthropologue" insiste sur le rôle des études anthropologiques - soutenues à l'époque par le pouvoir en place du PRI - des populations indiennes ancestrales comme figures d'altérité constitutives d'une identité propre. Édifice intellectuel et politique qui s'est progressivement défait, tout en ressurgissant sous d'autres formes, notamment lors de l'insurrection du Chiapas en 1994.

Le flou prévaut désormais dans la conscience que ce pays a de son identité, comme le mentionne Ilan Semo dans "Les intellectuels dans leur (nouveau) labyrinthe". L'intellectuel n'est plus une figure centrale, complémentaire du pouvoir politique, par lequel s'énonce et prend forme d'une manière durable une société unie par un projet et une vision d'avenir à long-terme. Il ne peut désormais plus que prendre place au milieu de mouvements complexes, à centres multiples, qui souvent sont déjà dépassés avant même d'avoir pu trouver à s'exprimer, pour tout au plus les interpréter. En un sens, cette évolution qui affecte l'identité aussi bien que la constitution du politique ou la perception du temps ne se limite pas au Mexique.

Sans doute trouvera-t-on une forme d'apaisement à ce constat et à l'inquiétude qu'il laisse pointer en lisant l'article d'Alberto  Ruy Sanchez, "Mogador, Mexico, identités fugitives". Explorant les racines arabes - via l'Espagne - de la culture mexicaine, l'auteur recense les similitudes entre Mexico et la ville marocaine de Mogador pour rappeler que l'identité, loin d'être une figure idéologique rigide, correspond d'abord à une construction de soi qui se conjugue au présent, laisse sa place au hasard et fait se répondre et reconstruire sans cesse passé et avenir.

Une belle invitation pour nous autres, qui connaissons peu la littérature mexicaine, à nous laisser porter au hasard d'une rencontre avec celle-ci et à suivre avec elle le mouvement d'une interrogation sur soi

 

* Critique, "! Que viva México !", n°742, 11€

 

* À lire également sur nonfiction.fr :

- le dossier sur le Salon du livre de Paris 2009.