Un ouvrage pertinent mais excessif qui met en lumière les inconvénients et les limites de l'energie éolienne.

Le livre de Jean-Louis Butré est surprenant à bien des égards : parce qu’il s’attaque à un des symboles de l’écologie moderne qu’est l’énergie éolienne, en démontrant par A+B comment cette énergie va à l’encontre de tous les principes du développement durable mais également parce qu’il mêle à des arguments d’ordre technique, économique ou environnemental tout à fait convaincants des passages d’un lyrisme déplacé sur la beauté des campagnes françaises, et la nécessité de préserver des paysages chargés de tant d’histoire. Et là, le lecteur est moins prompt à suivre…

De vrais arguments contre l’énergie éolienne, à l’opposé des principes du développement durable

Le repérage, à juste titre, d’une " secte éolienne "

L’ouvrage commence par la genèse d’un combat, et le récit de la réunion d’un promoteur éolien dans la commune de Rouillé. Le vocabulaire choisi pour décrire l’éolienne ne laisse guère de doutes quant aux intentions de l’auteur : l’éolienne, "gourou écologique", "fée  qui allait nous sauver d’une planète à la dérive", rassemble autour d’elle une communauté que l’auteur s’attend à entendre entonner le Te Deum. S’en prenant autant au promoteur éolien qu’au représentant officiel de l’ADEME présent à cette réunion, il dit de son discours qu’il "rappelait étrangement ceux des sectes qui utilisent les mêmes procédés pour convertir les esprits fragiles qui les écoutent". La référence à une secte est d’ailleurs franchement assumée, arguments à l’appui, quand l’auteur révèle le rôle joué par l’anthroposophie dans la construction de parcs éoliens, via une " Académie du vent " visant à sensibiliser les enfants aux avantages de l’énergie éolienne.

L’auteur stigmatise également le vocabulaire officiel utilisé pour décrire les implantations d’aérogénérateurs, qualifiées de "fermes" ou "parcs" éoliens, nécessaires pour diversifier le " bouquet énergétique " de la France. L’usage de ces termes est d’autant plus inadapté selon l’auteur que les aérogénérateurs en question sont loin d’avoir un impact environnemental nul.

Des nuisances environnementales bien réelles

Le livre a tout d’abord le mérite de détailler les matériaux requis pour la construction d’une éolienne : un socle de béton armé de 1 500 tonnes, un mat en béton ou en acier de 80 à 110 mètres, une nacelle de 70 tonnes contenant le générateur d’électricité entraîné par une hélice tripale, chaque pale pouvant atteindre une dimension de 45 mètres. Nous noterons cependant un manque d’analyse plus détaillée quant à l’ACV (analyse du cycle de vie) dans son intégralité de l’un de ces aérogénérateurs. Ce manque d’informations, pourtant importantes, est d’autant plus regrettable qu’elles auraient ajouté de l’eau au moulin de l’auteur dans sa bataille contre l’éolien (matériaux utilisés dans la construction de l’aérogénérateur, transports de l’édifice etc.).
Celui-ci insiste ensuite sur l’intégration des parcs d’aérogénérateurs dans un réseau électrique, ce qui implique, en l’occurrence, un renforcement du réseau de transport d’électricité, et surtout, la nécessité de construire des centrales thermiques pour pallier à l’intermittence du fonctionnement des éoliennes : au final, et de façon paradoxale pour le novice, la construction de nouvelles éoliennes, comme cela est prévu, entraînerait pour la France une augmentation de ses émissions de GES (gaz à effet de serre) ! "Une "belle éolienne blanche et pure", c’est la partie visible du pont d’un voilier qui, en réalité, marcherait la plupart du temps au charbon."



En effet, une centrale nucléaire est conçue pour fonctionner soit à 100% (rythme de jour) soit à 50% (rythme de nuit) : la seule façon de réguler, à la marge, la production d’énergie est de jouer sur l’ajout de produits chimiques (bore et xénon en particulier), pratique non sans risque quand on sait qu’elle est en partie responsable de la catastrophe de Tchernobyl. L’intermittence du fonctionnement des aérogénérateurs ne peut donc être compensée que par des centrales hydrauliques ou thermiques.
Enfin, l’auteur relève l’impact de l’installation des parcs d’aérogénérateurs sur la faune et la flore, notamment sur les rapaces et les chauves-souris, dont les organes internes imploseraient suite à un barotraumatisme. Non citées dans ce livre mais néanmoins intéressantes, des études auraient montré que les éoliennes changent le microclimat à l’échelle locale. En effet, l’énergie éolienne absorbée par les aérogénérateurs induirait une transformation des conditions climatiques se répercutant directement sur la faune et la flore locales. Et l’argument de Planète éolienne qui souligne que les taux de mortalité des oiseaux dus aux éoliennes sont bien plus faibles que ceux causés par la chasse ou les marées noires nous semble assez oiseux.

Un mensonge social

Un des arguments socio-économiques souvent évoqué par les partisans de l’éolien est que son développement en France permettrait, outre ses prétendus avantages écologiques, de créer de l’emploi. Là encore, l’auteur de l’ouvrage bat en brèche, en avançant que la France ne fabrique pas d’éoliennes. 70% de l’investissement consacré au développement au parc éolien, soit 15 milliards d’euros, servira en fait à importer les aérogénérateurs, produits principalement en Allemagne, en Espagne et au Danemark, leaders sur le marché.

Ce mirage aux emplois s’accompagnerait de nuisances réelles pour les riverains, qui seraient minimisées ou niées par les promoteurs ou les exploitants de parcs éoliens. Cette affirmation n’est malheureusement accompagnée d’aucune estimation chiffrée venant l’étayer.

Un bilan économique désastreux
Si l’énergie éolienne présente de nombreux inconvénients, c’est un choix particulièrement absurde pour la France, qui exporte déjà entre 10 et 15% d’excédents électriques, tout en émettant très peu de GES pour cela, du fait du choix du nucléaire.

L’énergie éolienne représente donc un investissement inutile, et un gaspillage inacceptable des fonds publics : il s’agit en effet d’une industrie qui ne peut exister que grâce aux subventions de l’Etat, permettant un rendement aberrant pour les investisseurs. Pour s’en convaincre, rien de tel que de faire un tour au Salon des énergies renouvelables qui s’est tenu à Paris il y a quelques mois : le green business y affiche de façon insolente sa prospérité, en se gardant bien de dire qu’il s’agit, in fine, de l’argent du contribuable.

Le désastre économique est d’autant plus grave que rien n’a été prévu pour la fin de vie des aérogénérateurs, et on ignore le coût réel de leur démantèlement. Une société spécialisée dans le démantèlement industriel aurait chiffré le démontage et la mise à la casse d’une seule éolienne, particulièrement difficile d’accès, à 900 000 euros. Si nous ne remettons pas en cause la justesse ni la pertinence de cet argument, nous trouvons en revanche la comparaison implicite de l’auteur avec le nucléaire particulièrement déplacée : s’il est bien un type de production d’électricité où le coût du démantèlement est une inconnue majeure et inquiétante, c’est celui de l’énergie nucléaire ! Si on prend en compte ce paramètre, il  n’est absolument pas certain que l’énergie éolienne soit plus coûteuse que l’énergie nucléaire.



Un réquisitoire partisan

La comparaison avec d’autres types d’énergies est ainsi truquée car elle ne se base pas sur les mêmes critères : dans le cas du nucléaire, outre le coût du démantèlement, il y a le problème des déchets radioactifs que ne pose pas l’énergie éolienne. 

La solution qui est proposée à la fin, l’énergie solaire, pose elle aussi des problèmes, notamment en ce qui concerne la fabrication à base de silicium ainsi que le recyclage des panneaux photovoltaïques. Au final, l’auteur manque cruellement d’objectivité en diabolisant un type d’énergie sans prendre en compte les problèmes posés par les autres façons de produire de l’électricité.

Cette partialité peut s’expliquer sans doute par une obsession pathologique pour les beaux paysages d’antan. Si l’auteur se défend d’être passéiste, il l’est toutefois assez pour évoquer avec nostalgie sa campagne natale d’avant le remembrement. Le tableau qu’il dresse de son village d’origine, Rouillé, en 1955 puis en 1985, évoque étrangement le diptyque de Georges Rouquier Farrebique / Biquefarre, l’émotion en moins. Certains passages du livre relèvent ainsi plus des mémoires d’un vieux paysan haineux du changement que d’un ingénieur retraité s’interrogeant sur les inconvénients d’un type d’énergie. Le vocabulaire là encore n’est pas anodin, qui nous prend aux tripes : au-delà du désastre économique et écologique, l’auteur dénonce la "cannibalisation" du paysage, "la Vonne presque assassinée", sa France massacrée.

Le lecteur a finalement la désagréable impression que ce que Jean-Louis Butré reproche aux éoliennes, avec un brin de technophobie déguisée, curieuse pour un ancien ingénieur, c’est d’être ce qu’elles sont : "une machine gigantesque, fabriquée avec de nombreux matériaux et remplie d’électronique ", " une gigantesque machine industrielle qui sert à faire de l’électricité ".

Comment ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain ?

L’ouvrage de Jean-Louis Butré repère avec justesse et pertinence les dérives, sectaires, paysagères, financières, du secteur éolien, mais il n’envisage aucune solution pour améliorer les conditions d’exploitation de cette énergie. Sa croisade contre les fées tripales apparaît au final tout aussi idéologique, sinon plus, que la secte éolienne qu’il dénonce. Dans un registre plus modéré, il nous semble que certaines mesures pourraient être prises, qui pourraient nous éviter de jeter le bébé avec l’eau du bain.

Tout d’abord, adopter un discours réaliste quant au mode de production des éoliennes, en reconnaissant que ce n’est pas que du vent, et que, tout comme dans le cas des panneaux photovoltaïques, l’impact environnemental n’est pas nul. Reconnaître également que tous les terrains ne sont pas également favorables à l’implantation de fermes éoliennes : lui réserver donc une place dans le mix énergétique, qui ne soit pas de droit, mais en fonction du relief et des facteurs climatiques propres à chaque région. Evidemment, sortir du discours hagiographique et adopter une posture réaliste : non, ce n’est pas l’éolien qui nous fera sortir du nucléaire, si tel est le but.

Ensuite, maîtriser les dérives financières : n’est-il pas hautement paradoxal, voire franchement choquant, que les promoteurs éoliens puissent s’enrichir à ce point avec une énergie aussi peu rentable ? Si vraiment l’efficacité énergétique de l’éolienne est si faible, il est anormal que l’Etat la subventionne les promoteurs, les maires des communes concernées, les riverains qui louent leurs terrains ; il est anormal que tous ces maillons soient abondamment arrosés par l’Etat pour augmenter laborieusement et à perte la part d’énergies renouvelables dans le mix énergétique de la France.

Enfin, dans la mesure où c’est le contribuable, ou au moins le client d’EDF, qui finance cette vaste mascarade, engager un vrai débat citoyen sur les avantages et les inconvénients de cette énergie, qui n’est effectivement pas une panacée.



Voilà modestement trois pistes (discours réaliste, contrôle des subventions, débat citoyen) que nous aurions aimé voir développées dans le livre de Jean-Louis Butré, qui s’est malheureusement laissé aveugler par son combat anti-éolien pour pouvoir les envisager sérieusement. On ne peut que regretter les dérives passéistes et les comparaisons biaisées (ainsi que les nombreuses fautes de frappe et d’orthographe dont le livre est truffé !) qui enlèvent à son propos la force qu’il mériterait d’avoir, étant donné le scandale qu’il met à jour. Il ne reste plus qu’à espérer que ses propos seront tout de même entendus, et nuancés, pour envisager un discours sur l’éolien qui ne relèverait ni de l’apologie sectaire ni du réquisitoire haineux qui la condamne