Une étude intéressante sur l'européanisation des pays de l'Europe de l'Est, sur fond de gestion de l'après-élargissement.

Alors qu’un pays de l’élargissement, pour la seconde fois, préside le Conseil des ministres de l’Union européenne, la réflexion autour de l’européanisation, appliquée aux pays nouvellement entrés dans l’Union, apporte un éclairage nouveau.

Il faut rappeler que le concept d’européanisation est utilisé pour décrire le processus d’apprentissage politique, d’adaptation et d’ajustement aux normes et standards de l’Union européenne, processus qui s’est ouvert en 1997 lorsque la Commission européenne a fait de l’adoption de l’intégralité de l’acquis communautaire la condition de l’intégration des membres.

L’européanisation a nourri un riche courant de la science politique à l’Ouest, mais il a été peu étudié quant aux pays de l’élargissement. La réflexion amène ainsi à s’interroger sur les particularités du processus d’européanisation à l’Est. Quelle a été la spécificité de l’élargissement de 2004-2007 par rapport aux intégrations antérieures ? Quels enseignements en tirer ? C’est l’objet de l'ouvrage dirigé par François Bafoil et Timm Beichelt, Européanisation d’Ouest en Est (L’Harmattan) que d’étudier à travers des études de cas quels ont été les effets du processus d’élargissement sur le processus de transformation des politiques publiques, notamment en matière de politique régionale, de politique sociale et économique.

En 1990, l’intégration à l’Europe pour les pays post-communistes était perçue comme naturelle, "une réparation de l’histoire", souligne François Bafoil. "Pour un citoyen d’Europe centrale, l’appartenance à la Communauté européenne  entendue comme communauté de culture et non pas d’échanges économiques était une évidence et pas la citoyenneté de type soviétique".

L’élargissement à l’Union européenne était aussi envisagée comme une "garantie de survie" qui a coïncidé avec la volonté de l’Union d’assurer la stabilité à ses frontières. Si la nécessité de l’élargissement était donc partagée de part et d’autre, les contraintes de l’intégration n’ont pas manqué d’entraîner des tensions pour des pays qui retrouvaient leur souveraineté nationale.

En échange de l’accession promise en 1993 au Sommet de Copenhague, l’Union européenne imposait des délégations de compétences et obligeait les pays de l’élargissement à un processus de suivi et de contrôle plus strict qu’au cours des élargissements précédents. Il s’agissait d’intégrer des pays qui n’étaient pas intégrés à l’espace occidental (OTAN, OCDE).

Conformément au principe de conditionnalité, l’Union européenne a soutenu la transformation par un dispositif d’incitations financières. C’est parce que les candidats ont vu un bénéfice supérieur à la transformation qu’ils s’y sont pliés. Mais l’influence de l’Europe a été plus ou moins marquée selon les pays avec la mobilisation plus ou moins efficace des "veto players" (Bafoil et Surel).

L’un des chapitres de l’ouvrage écrit par Catherine Perron porte sur "le paradoxe tchèque ou l’européanisation ambiguë". Celle-ci s’interroge si, comme le président tchèque l’avance, il est légitime de considérer que l’UE n’a eu aucun impact sur le développement du pays et "n’a fait qu’entraver une économie qui avait besoin d’être libérée et livrée aux seules forces du marché plus aptes à la réguler". Peut-on penser le développement tchèque en dehors de l’UE ? Prenant appui sur la politique régionale européenne, Catherone Perron souligne qu’un discours de résistance à l’Union européenne émanant des élites n’a pas empêché un bon usage de l’aide européenne et un développement fort qui ne doit cependant pas tout aux bienfaits de l’européanisation mais aussi à un contexte propre à la République tchèque.

 



La réflexion autour de l’européanisation montre en réalité combien l’impact des règles européennes se traduit diversement dans les sociétés. Elle ne conclut cependant pas à un cheminement fondamentalement différent pour les pays nouvellement entrés dans l’UE.

En fait plus largement, l’européanisation est aussi une dynamique de conflit "qui oppose le monde de la tradition porteuse des identités rurales, religieuses et locales et celui de la modernité" (Bafoil et Surel). Ce qui explique que l’européanisation n’affaiblie pas in fine les souverainetés nationales mais tendrait au contraire à les renforcer. L’intégration ne signifie d’ailleurs pas la fin du processus d’européanisation. C’est l’avertissement du professeur Alfio Cerami qui souligne dans sa contribution combien il est important de bien gérer l’après-élargissement.

Européanisation d’Ouest en Est intéressera aussi bien les étudiants en science politique que les praticiens. On regrettera peut être que les auteurs, tout en insistant sur le fait que l’européanisation ne peut être envisagée comme processus imposé d’en haut, n’aient pas consacré un chapitre à l’impact sur l’Union européenne. L’ouvrage ouvre des pistes de réflexion intéressantes, notamment celle de l’influence que peut avoir l’Union européenne sur les pays du voisinage dépourvus de perspective d’adhésion