La démocratie n’est pas nécessaire pour la croissance économique mais indispensable pour l’écologie politique.

L’écologie politique est-elle compatible avec une croissance soutenue ? Requiert-elle la démocratie pour éclore ? Jean Paul Fitoussi et Eloi Laurent se lancent avec cet ouvrage dans une réflexion sur les conditions nécessaires à la prise de conscience écologique.


La décroissance n’est pas la solution

Au vu des résultats de plusieurs études économiques et sociales, la réponse est encore ambiguë. Pour cerner ce problème dans son ensemble, Jean Paul Fitoussi et Eloi Laurent analysent avant tout le rapport entre économie et nature. Que ce soit Malthus avec l’impact de la démographie, Ricardo avec la décroissance de la fertilité des terres ou Jevons avec la finitude des ressources énergétiques, les théories économiques classiques impliquent que les limites de la nature finiront par limiter la croissance économique. Les auteurs ne partagent pas le pessimisme de ces théories, étant convaincu que l’accroissement des connaissances et du progrès technique qui en découle permettent d'espérer une croissance infinie à long terme. La question qui reste en suspens est de savoir si cette progression des connaissances sera assez rapide pour gérer le changement climatique.

Les économistes ont maintenant pris le relais des climatologues dans le débat sur le réchauffement climatique pour estimer son impact économique. Sir Nicholas Stern, dans son rapport remis au gouvernement britannique en 2006, prévoyait par ses calculs une catastrophe économique en choisissant un taux d’escompte faible, affectant une grande importance au bien être des générations futures. William Nordhaus dans son dernier livre (A question of Balance : Weighing the Options on Global Warming Policies, Yale University Press) examine différentes perspectives avec des taux d’escomptes divers et donne un spectre de résultats plus large mais nous laisse aussi perplexe quant au choix à faire.

Doit-on se priver aujourd’hui pour le bien être des générations futures ? Toute une partie du livre semble dédiée à démontrer que la décroissance n’est pas une solution écologique viable, puisque que le développement économique sans précédent des cent dernières années a diminué la pauvreté mondiale : "La solution au problème écologique n’est donc pas la fin de la croissance des niveaux de vie mais la décroissance des inégalités."


Quel rôle pour la démocratie ?

Au-delà de la question de l'écologie, cet ouvrage tente de vérifier si la croissance et le développement nécessitent des conditions démocratiques pour être optimaux. Rien n'est moins sûr. Il semblerait qu’un leadership politique fort développant des infrastructures telles que le transport, l’éducation et la santé serait davantage un facteur clef.



Si pour le développement économique et humain, la démocratie ne semble pas une nécessité, elle l’est par contre pour la performance écologique d’un pays. Les exemples de la Chine et de l’Inde développés dans une annexe du livre sont flagrants. La Chine a réussi sa croissance avec une stabilité politique sans faille, propice au développement des infrastructures et à un système éducatif efficace. L’Inde n’a pas choisi une mondialisation à outrance, obtenant une croissance moindre mais un taux d’inégalité moins fort que la Chine et une demande de considération écologique émergente.
 
Cet ouvrage démontre de manière convaincante que pour générer une croissance qui prenne en compte le bien être des générations actuelles et futures, l’économie et les concepts de démocratie et de politique écologique ne peuvent être dissociés. Il apparait cependant comme un travail exploratoire, et l’on attend des auteurs une définition plus concrète de cette nouvelle écologie politique