Alors que la crise immobilière s’est transformée en crise financière qui se mue elle-même en crise de l’économie réelle, l’heure est à l’urgence. Mais si un consensus semble émerger sur le diagnostic, les remèdes à administrer à l’économie font eux encore débat.

Dans le dernier numéro de la New York Review of Books, Paul Krugman nous livre son analyse dans un article éclairant qui décrit les éléments d’une réponse pertinente et efficace aux enjeux du moment. Si l’analyse porte sur les États-Unis, elle garde toute sa pertinence pour l’Union européenne. Selon lui, deux priorités s’imposent aux décideurs américains : relancer le crédit et accroître les dépenses publiques. Ces deux éléments forment le préalable à une réforme profonde et nécessaire du système financier dans son ensemble.

La relance du crédit constitue sans aucun doute l’aspect le plus critique de la réponse à la crise. Afin d’y parvenir, Krugman suggère notamment une recapitalisation massive des banques et donc, de façon temporaire, une nationalisation d’une grande partie du système financier américain. Il insiste également sur l’importance de la coordination avec les autres pays industrialisés dans le sauvetage du système financier, ainsi que sur la nécessité d’inclure les pays émergents dans les actions menées.

Pour surmonter la récession actuelle, Krugman préconise un vaste plan de relance de l’économie. Ce retour au "good old Keynesian fiscal stimulus" est assumé et revendiqué: les recommandations de Krugman comprennent ainsi un plan de relance massif de l’ordre de 4 pourcent du PIB américain (environ 600 milliards de dollars), essentiellement via l’augmentation des dépenses publiques, par exemple pour financer la construction d’infrastructures. Pour  Krugman la réforme du système financier international est nécessaire mais doit venir compléter cette phase de relance de l’économie. Selon lui, un principe simple devra présider à la refonte du système: tout ce qui doit être secouru par les pouvoirs publics en temps de crise, doit être régulé en temps normal. 

L’approche de Krugman a le mérite de reconnaître pleinement la profondeur de la crise et d’envisager conjointement, ce qui est rare, le sauvetage du sytème financier et le redémarrage de l’économie réelle. Cependant, il n’est pas certain que les décideurs politiques soient prêts à aller aussi loin. Si tout semble indiquer que l’ampleur du plan de relance élaboré par Obama et son équipe se situera entre 500 et 700 milliards de dollars, le plan proposé par la Commission européenne ne représente lui "que" 1.5 pourcent du PIB européen.

De plus, même si une relance “mondiale” semble se dessiner, les effets d’une relance budgétaire dans des économies ouvertes sont difficilement prévisibles et rien ne garantit que les sommes dépensées seront suffisantes. Surtout, ce plaidoyer pour la relance repose sur la prémisse de l’inefficacité de la politique monétaire (l’économie américaine se trouvant dans une situation de trappe à liquidité) et suppose que les anticipations déflationnistes des marchés ne sont pas encore trop fortes. Et de cela, personne ne sait rien.


* Paul Krugman, "What to do", New York Review of Books, 18.12.2008