Une nouvelle édition étoffée et dépoussiérée  de l'Atlas des peuples d'Asie méridionale et orientale.

Étoffant sa collection d'Atlas des peuples, La Découverte publie aujourd’hui une nouvelle version de son Atlas des peuples d’Asie méridionale et orientale. La réalisation de l’ouvrage est encore une fois confiée à Jean Sellier, historien et géographe, déjà auteur ou co-auteur des volumes précédents sur les peuples d’Afrique, d’Europe et d’Amérique   . Ici, l’occasion lui est donnée de s’intéresser à une région du globe qui concentre plus de la moitié de la population mondiale – près de 3,7 milliards de personnes – et qui comprend des géants démographiques comme la Chine ou l’Inde. Le pari est d’étudier un sous-continent qui va, à n’en pas douter, s’affirmer encore plus sur la scène internationale au cours du XXIe siècle, pesant de plus en plus sur les rapports de forces au sein du système monde. Pourtant, on ne trouvera pas ici d’analyses géopolitiques sur les perspectives internationales de pays comme l’Inde ou la Chine, sur leurs aptitudes à s’imposer comme nouveaux hégémons mondiaux, mais plutôt il s’agira d’effectuer une étude minutieuse d’un passé ayant abouti à la situation actuelle.

L’ouvrage se propose ainsi, entre autres thèmes, d’analyser les implications historiques qui ont menés à la constitution dans cette région du monde d’ensembles étatiques qui se démarquent par leur incroyable hétérogénéité interne, qu’elle soit linguistique, culturelle ou religieuse. De l’Inde à l’Indonésie, en passant par la Chine, la gestion des minorités demeure ainsi pour tous les États de cette Asie méridionale et orientale un véritable problème. En retraçant de manière concise l’histoire de la région, Jean Sellier met en évidence les étapes qui ont mené ici à la consolidation à l’époque contemporaine de nombreux États territorialement très (trop ?) étendus, à l’opposée souvent du morcellement de l’espace qu’on connu d’autres régions du monde.

Étonnamment, au-delà d’une histoire factuelle très bien exposée, l’ouvrage n’accentue pas les défis de la construction identitaire qu’ont dû relever des États redevenus souverains dans un monde bipolaire. Il aurait ainsi été intéressant de retrouver des entrées s’obligeant à une réflexion à plus large échelle sur les facteurs de cohésion interne de ces États, quitte à sortir d’une approche souvent par trop "sciences politiques et relations internationales" caractérisant l’Atlas. Dans une perspective similaire, l’aspect démographique reste peu discuté dans une région où il détermine sur bien des points les politiques extérieures et nationales. Présente dans un temps long et redevenue plus encore d’actualité au cours de la seconde moitié du XXe siècle, l’explosion démographique, longtemps non jugulée, a largement limité les potentialités de croissance de la richesse, et ce aussi bien en Inde qu’en Chine. Plus encore, ce problème rejoint aussi, sur bien des points, celui de la gestion des minorités au sein d’ensembles aussi diversifiés.

 



À la suite d’une brève introduction effectuant un survol général de l’histoire de l’Asie   , l’ouvrage traite particulièrement de cinq aires géographiques délimitées comme suit : les Indes   , la péninsule indochinoise   , l’Insulinde   , la Chine et la Haute-Asie   , la Corée et le Japon   . Selon une double logique spatiale et historique, Jean Sellier synthétise ainsi habilement les principaux événements qui ont "animé" l’histoire de la région depuis des siècles voire des millénaires. En abordant jusqu’à l’époque contemporaine, il met en lumière les raisons profondes des nombreux conflits – larvés ou incandescents – que l’on peut observer aujourd’hui dans la région. En définitive, agrémentée d’un index et d’une courte bibliographie, cette articulation se révèle d’une grande clarté.

Peu de reproches peuvent être adressés à cet Atlas plus historique que géographique, une certaine redondance dans le texte peut être, ou encore la sous-exploitation de certaines cartes qui, si elles foisonnent, manquent à l’occasion de rapport direct avec l’écrit. Relatant une histoire "encyclopédique" de la région, l’Atlas des peuples d’Asie méridionale et orientale oblige aussi le lecteur à mettre parfois lui-même en perspective certaines notions ou événements sous une quantité d’informations d’inégale importance. Sérieusement réalisé, cet ouvrage semble manquer en définitive d’une certaine hauteur par rapport à l’objet de l’étude, en particulier d’une distance sur le tour de force qu’auront été les constructions nationales autour de ces peuples. On aurait à ce titre apprécié la présence d’une conclusion d’ensemble