Un ouvrage réfléchissant aux moyens de gérer et de protéger juridiquement son identité sur internet, un champ d'investigation assurément plein d'avenir.

Le sujet est nouveau, et promet de devenir capital ces prochaines années, à l’heure où nous laissons nos traces un peu partout sur la Toile, au gré de nos discussions sur des forums, de nos commentaires laissés sur des blogs, de notre présence sur divers réseaux sociaux... Gérer son identité numérique, maîtriser sa e-réputation… ce nouveau champ lexical commence à entrer dans le quotidien des internautes.

Le livre d’Olivier Iteanu, avocat spécialisé en nouvelles technologies, très présent sur la Toile, et chargé d’enseignement à l’université Paris-IX, qui nous promet "10 scénarios pour la maîtrise juridique de son identité sur Internet ", arrive donc à point nommé. Comment se prémunir contre les risques tels que l'usurpation d'identité en ligne, qui tend à se multiplier ? Comment maîtriser un minimum sa présence sur la Toile, et nos traces ?

En fait, "la question de l’identité a été délaissée par les pionniers de l’Internet", ce qui a ouvert des brèches, avec les effets que l’on constate actuellement, dénonce Olivier Iteanu dès la première page de son introduction. Il expose dans un premier temps les problématiques juridiques que posent les identifiants numériques. Sur la Toile, l’internaute peut vivre sous plusieurs identités, se dissimuler, se réinventer dans une nouvelle forme, le "pseudonymat". Car l’internaute peut s’y affranchir des obligations juridiques du monde réel, où il est enserré dans "des identifiants socles encadrés par l’État et le droit", en se créant en ligne ses propres identifiants numériques. Olivier Iteanu balaie ainsi les questions éthiques et juridiques que posent ces nouvelles formes d’identités virtuelles, qui se concrétisent par le pseudo, le nom de domaine, l’e-mail, l’adresse IP…

En bon juriste, l’auteur s’interroge ainsi sur le statut juridique de nouvelles formes d’identité numériques, telles que le nom de domaine, qui soulève de nouvelles questions de propriété intellectuelle, et des formes de piratage en ligne telles quel le cybersquatting, mais aussi sur le mot de passe, un système d’authentification encadré juridiquement. Face à l’usurpation d’identité en ligne, il rappelle aussi le droit en vigueur, dont celui du droit à l’image, mais pointe aussi le relatif vide juridique, notamment face au phishing.

Autre question, est-il possible d’être anonyme en ligne ? Certains militent pour un droit à l’anonymat, comme le très médiatique avocat Alain Bensoussan, ou Jacques Attali dans Une brève histoire de l’avenir. Alors que nous sommes tracés au gré de nos navigations en ligne, mais aussi avec notre carte bancaire, notre téléphone mobile, et bientôt les objets communicants dotés de puces RFID, Olivier Iteanu détaille, de façon très pratique, les "sept règles de l’anonymat sur Internet". Et s’intéresse au droit à l’anonymat, nécessaire pour éviter toute dérive à la Big Brother pour les uns, mais qui ouvre la voie à la criminalité et aux attaques personnelles en ligne pour d’autres. Plus loin dans l’ouvrage, il détaille ainsi les limites et obligations juridiques à l’usage d’un pseudo… et d’un avatar.

Face à ce droit à l’anonymat, le législateur a rendue obligatoire pour les opérateurs la collecte des traces que l’on laisse sur la Toile. Et M. Iteanu de rappeler le carcan législatif instauré ces dernières années : que ce soit pour les opérateurs, tenus de conserver des données de communications électroniques de leurs clients, d’après le décret du 24 mars 2006, pour les employeurs, qui s’adonnent depuis les années 2000 à une "cybersurveillance sur le lieu de travail". Là, il rappelle de façon bienvenue les risques de dérives, et les droits des salariés.

Autre sujet qui va devenir crucial, quel sera le futur système d’identité numérique ? L’auteur se penche sur les nouveaux systèmes d’identification que mettent actuellement en place les pouvoirs publics, tels que le passeports biométrique, et bientôt la carte d’identité biométrique. Avec les questions, nombreuses, que ce cela soulève : sur le recours contestable à la biométrie pour identifier les citoyens, sur le fait qu’identité dans la vraie vie et identité en ligne se rapprocheront inévitablement. À côté de cela, qui pourra être fournisseur d’identité numérique sur les réseaux ? Après l’échec cuisant de PassPort, Microsoft tente d’imposer CardSpace. Autre voie, celle du consortium OpenID.

Dommage que, dans cet ouvrage essentiellement juridique, certes truffé de conseils sur les démarches à adopter pour protéger son identité numérique (et ne pas trop la dévoiler !) l’auteur n’ait pas adopté une approche plus prospective sur les futurs enjeux à venir. Quid du business de la certification de l’identité en ligne, mais aussi de la protection de la réputation en ligne, qui s’esquisse, alors que diverses start-ups commencent à se positionner sur ce créneau prometteur ? Avec déjà des dérives : des blogueurs ont été tancés par l’une d’entre elles pour avoir utilisé l’expression "web réputation", dont elle est dépositaire à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI).


* Légende de l'illustration : "On the Internet, nobody knows you're a dog".

* Lire le dossier complet de nonfiction.fr sur le numérique