Le référendum en Irlande, c'est jeudi. La campagne bat son plein. Aujourd'hui, nonfiction s'arrête sur le camp du oui. Alors que les sondages donnaient pendant  longtemps le oui en tête, l'écart se resserre et une victoire du non n'est plus à exclure. > A suivre : le camp du non.

Qui  vote  oui  et  pourquoi ?

Publiée dans le Sunday Business Post, un sondage de l'institut Red C révèle que 42% des électeurs d'Irlande comptent voter oui. C'est un progrès d'un point par rapport à la vague précédente de ce sondage, réalisée deux semaines auparavant. Dans cette étude, la coalition du non fédère environ 39% des intentions de vote et gagne 6 points. Mais d'après un sondage paru la semaine dernière dans l'Irish Times, le non était en tête avec 35% contre 30% pour le oui.  Dans le détail, 40% des hommes et 29% des femmes sont pour ce traité, tout comme un quart des 18-25 ans et 44% des plus de 65 ans. Les catégories socioprofessionnelles supérieures se disent de même, favorables au traité.

Brian Cowen, ancien négociateur irlandais du traité et nouveau Taoiseach   a immédiatement pris position pour le oui. Désigné pour gagner, il mène campagne tambours battants à Dublin et dans ces terres agricoles qu'il connait bien -il est issu des comices   -.

Avec 95% des députés du Dáil   partisans de Lisbonne et les deux grands partis irlandais, Fianna Fáil -centre droit- et Fine Gaels -chrétiens démocrates-, le camp du oui donne une apparence d'unité. Le parti écologiste Green, dont l'historique est critique à l'égard de Bruxelles, et le parti travailliste irlandais du Labour sont aussi de leurs côtés. Le parti démocrate progressiste -libéral, centre droit- également. Le principal syndicat irlandais ICTU -Irish Congress of Trade Unions- s'est prononcé pour le traité de Lisbonne sur le principe de "collective bargaining"   . 10 000 agriculteurs ont accueilli, le 17 avril 2008, José Manuel Barroso afin de faire pression sur la Commission européenne à l'approche des négociations agricoles de l'OMC à Genève. Le 3 juin 2008, l'Irish Farmer Association -IFA-, qui manifestait auparavant contre Peter Mandelson, a rejoint le camp du oui en contrepartie d'un hypothétique veto irlandais.

50 000 familles sont représentées par la voix de l'IFA qui compte 85 000 adhérents. C'est une force électorale traditionnelle et importante : 40% de la population irlandaise est rurale. Les agriculteurs bénéficient donc d'un capital de sympathie à l'intérieur des terres et certains ne voudront pas suivre les consignes de vote. S'ils ne sont pas farouches et hostiles contre l'Europe qui les subventionne depuis 30 ans, le traité de Lisbonne les ennuie dans un contexte de crise alimentaire mondiale. Ils s'opposent au démantèlement de la politique agricole commune -PAC-. La renégociation de la PAC en 2013 et les négociations OMC en cours pèsent à long terme dans les positions actuelles. Alors que le sucre et la pêche voient respectivement subventions et quotas européens diminuer, l'IFA souhaite préserver des protections douanières et tarifaires notamment pour le secteur bovin. Peter Mandelson, commissaire au commerce extérieur, a demandé aux agriculteurs irlandais de "ne pas confondre" construction européenne et négociations internationales. "Ireland shall not be sold out" : les agriculteurs ont mis leur vote dans la balance en échange d'un veto gouvernemental lors des négociations sur l'agriculture à l'OMC. C'est un habile "deal" politique de Brian Cowen. Techniquement, il devra bloquer les négociations européennes sur les votes à l'unanimité car aucun État membre ne dispose d'un droit de veto dans les négociations sur l'agriculture.

Pour bien résumer, les arguments d'un oui irlandais visent la poursuite de l'aventure européenne pour la rendre plus efficace et plus démocratique. L'argument clé est de construire l'avenir européen avec des institutions rénovées. Les principales mesures du traité portent sur la transparence démocratique, le droit de pétition, le renforcement des pouvoirs du parlement européen et du haut représentant à la politique étrangère qui devient aussi vice-président de la Commission, le Conseil européen aura un président stable nommé pour un mandat de deux ans et demi renouvelable une fois, l'adjonction de forces militaires et la création d'une personnalité morale pour l'UE. L'idée d'une Europe garante des succès économiques futurs du pays, capables de protéger les investissements européens en Irlande vient aussi contrer les arguments protectionnistes et conservateurs. Voter oui et ne pas trahir l'UE par loyauté pour la mère financière du développement irlandais défend bien l'argumentaire du oui. Ainsi, l'exemple de l'autoroute de Belfast revient pour illustrer les bienfaits européens : sale et trouée en Ulster, elle est moderne et bien entretenue en Irlande.

Petites phrases

"J'ai confiance, ce traité va être adopté. J'ai confiance dans le discernement et le sens commun des Irlandais" 
Brian Cowen – Taoiseach (Premier ministre irlandais).

"Quand les gens du non disent que la peine de mort sera réinstaurée, que notre taux d'imposition sera fixé par Bruxelles ou que les petits enfants de 3 ans pourront être mis en détention, on ne peut pas rester sans répliquer"
Dick Roche -  ministre irlandais des Affaires européennes.

"J'espère que les Irlandais comprennent l'extrême importance des enjeux en cours pour eux et pour nous"
Nicolas Sarkozy - président de la République française à Athènes.

"[l'Irlande fait face à] la décision la plus cruciale en affaires internationales de son histoire"                         
Peter Sutherland – ancien commissaire européen entre 1985 et 1989 chargé de la concurrence, homme politique irlandais.

Pierre Moscovici livre une analyse intéressante du référendum.

* Dossier réalisé par Matthieu Mallet. Coordination du pole Europe : Mathias Mégy. contact : europenonfiction@gmail.com