ROMAN - Chère brigande de Michèle Lesbre
[vendredi 09 juin 2017 - 09:00]

Michèle Lesbre tire de l’oublie la figure de Marion du Faouët (1717-1755), sa « chère brigande » qui fut l’égérie d’une bande de Robins des bois bretons. Elle prenait aux nantis pour redistribuer aux plus démunis et finit pendue au gibet de Quimper. Dialoguant avec cette femme féministe avant l’heure, l’auteur fait aussi dialoguer le passé et le présent, lui aussi marqué par de nombreuses inégalités et interroge notre désir d’utopies.

 

Mêler l’Histoire et l’intime

Alors qu’elle recueille en Bretagne les traces du passage de cette grande amoureuse que fut la destinataire de sa lettre, elle évoque un amour perdu, avec une mélancolie subtile qui contraste avec la force de son indignation devant l’état de notre monde : « Quels adultes seront les enfants qui grandissent et dorment dans la rue ? » Le livre célèbre d’autres combats de l’auteur, égrenés au fil d’une mémoire fidèle à ses luttes : la guerre d’indépendance algérienne, l’enseignement dans les petites classes, à des élèves jamais vraiment oubliés.

 

« Nous aurons un jour à rendre des comptes »

En croisant deux époques, Michèle Lesbre dénonce « ces autres voleurs qui, eux, ne sont presque jamais punis parce qu’ils sont puissants ». Elle écrit un livre engagé, militant, pour lutter contre le « racisme, la xénéphobie, la violence, l’irrespect de tout être humain », sans jamais céder à la « bonne conscience », que lui révèle cette femme rousse vivant dans la rue, trop digne pour accepter son aide. La dernière lettre est datée du 15 juillet 2016, après la « nuit d’horreur sur la promenade des Anglais, devenue, l’espace de quelques minutes, théâtre de la tragédie du monde. Un monde dont nous sommes tous responsables. » Ce livre pudique, très bien écrit fait appel à une femme du XVIIIe siècle pour faire monter en nous l’urgence d’une résistance au monde comme il va….

 



rédacteur : Anne COUDREUSE, critique à nonfiction.fr