THÉÂTRE – « J’ai gravé le nom de ma grenouille dans ton foie » par la Clinic Orgasm Society
[jeudi 03 septembre 2015 - 15:00]

Au départ, c’est loufoque, déjanté, énergique. Ca part dans tous les sens. On a un peu peur que cette succession de scénettes ne soit qu’un enchaînement de trouvailles au plateau – qui fonctionnent à merveille, certes. Ingurgiter un hamburger. Le régurgiter bruyamment. Faire pleuvoir sur sa compagne du sang à l’arrosoir. Sang des menstruations ? Sang de l’accouchement ? Les images sont fortes. Parfois, la fille revêt les atours de la féminité : une longue jupe, comme une posture d’où on entre et d’où on sort. Parfois, c’est l’homme qui la revêt.  Car J’ai gravé le nom de ma grenouille dans ton foie est une pièce sur le genre. Sur la subversion des rôles sexués.

Que faire quand on naît fille et que le trône est réservé à son frère ? Se couper le sexe pour lui piquer la place ? Les auteurs jouent de ces impossibilités, les imagent. Et se dessine un amour qui unit les deux protagonistes tendrement – la fille malgré ses bizarreries, son hystérie, ses névroses. Et celui qui la suit en dépit de tout, alors qu’elle se réfugie dans un sac.

La caméra qui était présente depuis le début sur le plateau, un peu encombrante, et dont on se demandait quelle énième installation vidéo elle préparait, donne un tour nouveau au spectacle. La seconde partie montre en effet la pièce rembobinée – on pense au film de Michel Gondry Be Kind Rewind. Soudain, tout prend sens : la pièce, à l’envers, est un conte moderne.

Et les hasards du jeu : un spectateur filmé par la caméra devient le roi impassible de cette histoire, et le héros d’un soir.

Le public est divisé. Les étudiants de Science Po (venus de Nancy), enthousiastes, se mettent debout pour applaudir à la fin. A la sortie, on entend des avis plus mitigés. Au théâtre comme dans la vie, les questions sur le genre divisent. Il me semble que le sujet est porté ici avec beaucoup d’adresse. La fille se démène, cherche à se désengluer des stéréotypes qui lui collent à la peau. Elle se met en scène sauvageonne, teigne, mais toujours puissance agissante et désirante. Et lui, complice actif de ses envies, se fait pousser des seins et lui prête son sexe (Est-ce vraiment la solution ?). Ce qu’on nous montre, ce n’est pas tant un modèle qu’un couple qui se démène pour s’aimer tout en échappant aux stéréotypes de genre. Beau programme.

 
 
 
J’ai gravé le nom de ma grenouille dans ton foie de la Clinic Orgasm Society
 

Avec Ludovic Barth, Sébastien Courtoy, Mathylde Demarez et Grégory Duret

 



rédacteur : Marie DU BOUCHER