Arts et Sciences (50) : l’artiste mexicain Gabriel Orozco
[lundi 14 mai 2012 - 10:00]

Un excellent article portant sur notre thème arts et sciences, mais appliqué au travail d’un artiste, nous arrête pour cette brève. Il a été publié sur Art et Science.

L’auteur de l’article relève d’abord que cet artiste ne cesse d’utiliser dans ses œuvres les figures géométriques de base : le cercle, la sphère, autant d’éléments qui seraient présents dans l’univers. Il établit que ce travail se concentre sur ces figures, aussi bien dans Corporal Coordinates (2009), Samurai Tree (2004), First Was the Spitting (1993) ou la série Atomists (1996). Le cercle, avec toute la force de sa simplicité, recrée la complexité apparente de l'univers. Comme si lui, ou son homologue tridimensionnel, était l'élément indivisible et fondateur de la matière. Et l’auteur de conclure : "Rien d'étonnant alors que l'artiste se fasse le relais de Démocrite, penseur grec du Vº siècle av. J.-C., auteur de la thèse de l’atomisme."

L’auteur insiste ensuite sur les formes engendrées à l’aide de ces figures. Par exemple le crâne recouvert d’un damier (Black Kites, 1997) peut passer pour un véritable exercice de topologie.

Une autre problématique qu'aborde l'artiste est celle de l'impact du temps sur la matière. L'expérimentation tient alors une place prépondérante. Utilisant la plasticine, il crée des formes que le temps corrompt et transforme (Yielding Stones, 1992). C'est également au cours d'œuvres éphémères (Ironing Board et Frozen Portable Puddle, 1994) qu'il explore l'irréversibilité et l'inévitabilité de l’action du temps sur la matière. Que le commentaire soit bien ajusté ou non, il n’en reste pas moins vrai qu’il pointe des éléments de débat intéressants.

L’auteur poursuit en relevant chez l’artiste des accointances avec la physique. L'artiste reprend en effet le thème de la gravité dans Carambole with Pendulum (1997). La carambole est un type de billard français, qui se joue sur une table ovale avec trois boules. Le but est de toucher à chaque coup les deux autres. La difficulté du jeu réside dans la forme de la table qui rend plus difficile de prévoir les trajectoires. Orozco installe donc une carambole dans la chapelle du Centre de la vieille charité de Marseille, à ceci près qu'il relie une des boules au plafond (très élevé). La référence au pendule de Foucault ne laisse aucun doute, mais de plus, il ajoute un élément source d'aléa, comme une critique de la vision déterministe de Newton et de sa mécanique.

Plusieurs références suivent. A la question de l’infini, à celle du déterminisme et du hasard. Laissons cela de côté. Mais l’auteur reprend plus largement, en se demandant si finalement Gabriel Orozco est un artiste ou un scientifique ? Mais l’auteur hésite et cette hésitation nous intéresse. Il affirme : Pourtant Orozco n'offre pas un discours scientifique, il offre un discours, et personne d'autre ne pourrait le tenir. Nous sommes bien loin des auteurs scientifiques qui, théoriquement, sont interchangeables au sein d'une même spécialité. Car ce qui fait l'efficacité des sciences c'est cette adhésion unanime au sein d'un petit groupe à un paradigme (pour reprendre le terme de Thomas Kuhn).

Ce qui frappe le commentateur, ici, c’est que l’art de Orozco n’est pas sentimental ou sensible, qu’il est loin de produire des émotions, et qu’il ne se contente pas d’explorer des compositions. En vérité, c’est sans doute la question qui est décalée, supposant que l’art doit produire cela. Mais on peut déplacer le point de vue. Et affirmer que l’art peut aussi forger un regard interrogateur, portant autant sur le monde que sur le savoir des hommes, voire sur les représentations scientifiques.

Et l’auteur de conclure : "Et si Gabriel Orozco posait, tranquillement, une pierre à cet édifice encore incertain de la culture scientifique ?".



rédacteur : Christian RUBY
Illustration : CC/flickr/thomwatson Orozco Black Kites