Philippe Lemoine et Denis Olivennes : deux visions du droit d'auteur
[vendredi 23 novembre 2007 - 12:00]
Télérama publie cette semaine un entretien avec Philippe Lemoine, patron de LaSer (Lafayette Services, société de crédit), à l’occasion de la sortie de son livre La Nouvelle Origine, une réflexion sur la culture, les nouvelles technologies et la génération des moins de 25 ans.
Il prône un changement profond des mentalités, une révolution qu’il apparente à celle de 1968. Dans ce mouvement des nouvelles technologies, la singularité et la différence sont des atouts majeurs dont les penseurs de la french theory (Michel Foucault antérieurement mais surtout Deleuze et Guattari) avaient perçu le potentiel. En mêlant sans cesse les références aux intellectuels et les exemples d’utilisation des nouvelles  technologies, Philippe Lemoine cherche à donner une double légitimité à son discours – ce qui sensibilisera probablement le lectorat de Télérama. Il montre qu’il maîtrise les auteurs et donne une très grande importance aux idées comme moteurs de la recherche informatique.
Il pointe également du doigt le paradoxe français : un pays où les entreprises sont en retard pour l’exploitation des possibilités offertes par internet, mais parmi les pays pionniers en ce qui concerne les usages non professionnels. Enfin, il invite à une réflexion profonde sur le sens des droits d’auteur, et sur le logiciel outil et non produit. Apôtre du partage des données et de la créativité sur le Net, Philippe Lemoine valorise particulièrement le rôle de la jeunesse qui « a quelque chose de très structuré à dire sur l’évolution du monde, le mélange et la diversité ».


Rapport Olivennes : à rebours

Cette interview tombe alors que Denis Olivennes, patron de la Fnac, rend ce vendredi 23 novembre un rapport sur "le développement et la protection des oeuvres culturelles sur les nouveaux réseaux" dont les recommandations sont aux antipodes de la vision de Philippe Lemoine.

La rédaction de ce rapport est l'aboutissement de consultations avec tous les acteurs du secteur : fournisseurs d'accès à internet, ayants droit du cinéma et de la musique, associations de consommateurs, pouvoirs publics. Pourtant, le résultat est pour le moins décevant pour les internautes. En théorie, le texte cherche à ménager la chèvre et le chou en proposant une amélioration du contenu licite et une répression accrue des pirates. Le résultat est cependant assez inégal : pour les internautes une suppression des DRM (digital rights management) afin que le contenu soit lisible sur tous les lecteurs, et un alignement de la VOD (video on demand) sur la sortie DVD des films (4 mois après sortie au lieu de 7 mois  et demi actuellement). Ces quelques améliorations peineront à compenser le renforcement de la répression, notamment par le biais d'une autorité indépendantes que les FAI pourront saisir, et qui aura accès au nom et adresse du pirate, pour lui envoyer deux messages d'avertissement, avant une suspension puis une résiliation de l'abonnement concerné. En outre, l'accord prévoit une expérimentation du filtrage par les FAI du contenu de plateformes de type Youtube, myspace, etc...
UFC que choisir dénonce déjà un texte "très dur, potentiellement liberticide, antiéconomique et à contresens de l'histoire numérique".


Pour en savoir plus :

L'article synthèse de Véronique Mortaigne dans le Monde : "Le rapport Olivennes préconise de couper l'abonnement des internautes coupables de piratage"
Le communiqué de UFC Que choisir sur le rapport Olivennes
Un entretien très intéressant de Philippe Lemoine sur Ecrans
Le site officiel de LaSer
La réponse de Denis Olivennes aux lecteurs de Rue89

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crédits photo : _boris / flickr

rédacteur : Laure JOUTEAU, Critique à nonfiction.fr