Un recueil destiné aux spécialistes de la littérature latine, de la philologie et de l’histoire des religions, éventuellement aux étudiants avancés.

L’ouvrage est un recueil de neuf articles reprenant des communications présentées lors d’une journée d’études organisée à Dijon le 25 mai 2005 en hommage à Nicole Boëls, philologue ayant travaillé à la fois sur les femmes et sur la religion romaine, et auteur d’une thèse sur La vie religieuse des matrones dans la Rome archaïque   . Les contributions qu’il rassemble ne témoignent pas particulièrement, contrairement à ce que dit le titre du volume, de la recherche d’une intériorisation. À vrai dire, il est difficile de trouver un fil directeur dans des articles extrêmement variés, qui ont pour point commun de s’attacher à l’analyse minutieuse de dossiers souvent mineurs, mais toujours intéressants. Il n’est d’autre solution que de les passer en revue, dans l’ordre où ils sont publiés.

Dominique Briquel, dans "Trois histoires parallèles chez Valère Maxime : Curtius, Cipus, Aelius", met en valeur l’unité des trois épisodes pour illustrer l’amour de la patrie en proposant d’y voir un série ordonnée selon les trois fonctions de l’idéologie indo-européenne. De son côté, Jacqueline Champeaux dans "Le temps religieux. Rites et dieux du Temps à Rome" se demande "comment, à partir du temps court de la mentalité archaïque, celui de l’ancienne Rome, s’est accomplie la découverte de la longue durée, celle du siècle, celle de l’éternité" ; elle y répond à travers des réflexions sur l’organisation des calendriers romains et sur la signification de termes tels que saeculum, aeuum et aeternitas. Caroline Février s’interroge quant à elle sur les raisons de la mort de Tullus Hostilius, foudroyé alors qu’il consultait Jupiter Elicius pour chercher remède à une épidémie qui ravageait Rome ("Vir colloquio abidendus deum. Tullus Hostilius ou l’art d’irriter les dieux"). " "La lance" ou "les lances" de Mars ?", s’interroge ensuite Charles Guittard qui étudie cet attribut religieux chez les prêtres saliens, dans les représentations de Mars et dans d’autres rituels romains.

Stéphane Ratti, dans "Le sens du sacrifice de Camille dans l’Énéide (11, 539-566)", propose quant à lui une analyse religieuse du mythe de la reine des Volsques, défaite dans sa lutte contre Énée. Camille n’est pas seulement l’héroïne malheureuse d’un conflit épique, elle est dès sa naissance vouée par son père à la virginité et au service de la divinité ; en changeant son nom de Casmilla en Camilla, le père a voulu rendre hommage à la mère de Camille, morte en couches : "le s symbole de la maternité qui a coûté la vie à la mère et que la fille ne pourra jamais connaître."

Gilles Sauron répond nettement à la question posée dans son article sur "La Domina de la Villa des Mystères : une Romaine ou une Samnite ?", en proposant de situer socialement cette matrone, figurée sur les fresques de la célèbre  Villa de Pompei, dans l’aristocratie romaine cultivée de la fin de la République, au terme d’une analyse cursive des célèbres représentations dionysiaques.

Nicole Fick dans son article sur "Le Religieux au féminin dans le roman latin" voit, au-delà de l’approche traditionnellement péjorative de la religiosité féminine et de la caricature des rites spécifiquement féminins, le roman latin évoquer une nouvelle religiosité "ouverte au féminin". Elle suggère ainsi que le second siècle est celui d’une émancipation des femmes qui se manifeste en particulier dans le champ religieux par la diffusion de la figure d’Isis.

L'article de Patrick Cauderlier "Pommes de pin, rhéteur et porteurs de statues : le culte de Rome et de la famille impériale das les provinces", d’après le papyrus BGU IIe. 362 (Arsinoé du Fayoùm, 215) est l’édition, avec traduction et présentation générale, d’un papyrus qui présente les comptes du sanctuaire de Zeus-Capitolin à Arsioné du Fahoùm en 214/215, sous le règne de Caracalla, illustrant ainsi l’organisation d’un temple pourvu de son clergé, de son personnel dédié à la gestion des propriétés foncières et des dons nombreux faits par les fidèles au rythmes des fêtes religieuses et impériales qui scandent l’année.

Pour Jean Bouffartigue ("La religion romaine chez un empereur hellène : le cas de l’empereur Julien"), les œuvres de Julien témoignent d’une connaissance contrastée de la religion romaine par cet empereur qui se définissait comme Romain lorsqu’il s’agissait d’identité politique, et comme hellène lorsqu’il parlait de la religion qu’il cherchait à restaurer après plus de quatre décennies de christianisme impérial. Julien possède des informations authentiquement romaines, mais il commet un certain nombre de confusions accentuées par le caractère imprécis de ses formulations. Julien considère la religion romaine avec estime, à la fois comme conservatoire de traditions vénérables et comme matrice de la puissance de l’Empire, même s’il n’hésite pas à en donner des interprétations forcées pour la faire mieux coïncider avec son propre projet religieux.

Comme on le voit, l’ensemble du recueil se présente comme une collection de délicats fragments, très érudits, tous intéressants, souvent très plaisants à lire, mais dont il est difficile de dire qu’ils forment un tout. Il faut ajouter que leur lecture est difficile pour le novice : les textes anciens ne sont pas traduits (à l’exception du papyrus du Fayoùm), les auteurs s’adressent à leurs pairs, et penseraient sans doute les offenser en explicitant le contexte des événements évoqués ou les œuvres commentées. Lire cet ouvrage, c’est un peu comme venir prendre le thé en très bonne compagnie ; qui connaît les codes de la cérémonie y trouve son miel, tant pis pour les autres ; c’est très bien, tant qu’il reste des convives potentiels. Certes, telle est un peu la loi du genre des mélanges et des hommages, mais peut-être cette respectable tradition universitaire, riche en trésors de toutes sortes, gagnerait à devenir un peu plus soucieuse du public auquel elle pourrait s’adresser.


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Crédit photo : mharrsch / Flickr.com