Seize thèmes-clés de la vie et de l’œuvre de Marguerite Yourcenar.

Que dire sur Yourcenar qui n’a pas déjà été dit ? Qu’écrire de neuf et de juste qui ne soit pas tiède redite ou réagencement maladroit de l’abondante matière bibliographique relative à la vie comme à l’œuvre yourcenarienne ? Questions bien délicates auxquelles Henriette Levillain, professeur émérite à la Sorbonne, ne répond que partiellement en publiant Marguerite Yourcenar. Carte d’identité. Et pour cause : ce court opus ne prétend ni à l’originalité ni à l’exhaustivité, cherchant davantage à susciter la curiosité des novices – voire des agrégatifs, l’ouvrage ayant été publié en janvier dernier, alors que les Mémoires d’Hadrien était au programme de littérature – sur ce personnage multiple et complexe que fut Marguerite Yourcenar.

 

Se présentant sous forme abécédaire, structuré en seize thèmes considérés par Henriette Levillain comme cruciaux pour comprendre l’auteur autant que l’œuvre, le propos oscille naturellement entre considérations biographiques et mentions variées – tantôt bref résumé, tantôt brève analyse – des ouvrages de Yourcenar (romans, récits, essais, Mémoires) comme des nombreux entretiens livrés par l’auteur de L’Œuvre au noir à partir de 1979.

 

Si la maîtrise et la connaissance de l’œuvre ne font aucun doute et attisent agréablement l’envie de lecture, l’approche de Henriette Levillain trouble néanmoins par son absence d’explicitation : l’avant-propos se présente comme une anecdote représentative de la personnalité de Yourcenar, et a pour cadre son élection à l’Académie française en 1980. La relation de ce moment historique, puisque Yourcenar fut la première femme à être élue par cette institution, s’il est l’occasion, pour Henriette Levillain, d’esquisser le paradoxal visage de celle qui refusa toujours de revêtir l’habit vert, laisse quelque peu le lecteur sur sa faim. Car on reste ignorant de ce qui va suivre et confus devant l’opposition catégorique mais peu claire entre le statut d’« écrivain femme » et celui de « femme écrivaine ».

 

Les seize thèmes proposés ont l’avantage de la variété et traitent autant des réalités sociales (« Aristocrate »), géographiques (« Frontalière », « Mont-noir »), éthiques (« Amie des bêtes », « Écologiste »), psychologiques (« Femme(s) », « Humeurs », « Michel »), philosophiques (« Catholique », « Corps », « Enfance Vieillesse », « Mort ») que littéraires (« Écrivain », « Historienne mémorialiste », « Style d’une vie », « Visionnaire »). Tous les chapitres sont structurés à l’identique et évoquent la porosité entre le moi biographique de Marguerite de Crayencour et le moi auctorial de Marguerite Yourcenar. Sont donc abordés, dans de petites entrées allant de huit à seize pages, l’origine du thème considéré, ses inflexions au cours du temps et ses traitements littéraires selon les genres choisis et les époques de la vie de Yourcenar.

 

Sans partis pris, sans marques abusives de subjectivité, Henriette Levillain, en chercheuse aguerrie, s’appuie sur les propos de Yourcenar sans en faire parole d’évangile, traite de tous les thèmes sans tabous ni détours, et se fait fine analyste quand vient l’étude comparative des textes, des intrigues et des personnages. Si cette approche thématique a l’avantage de cartographier de manière très claire et synthétique la vie et l’œuvre de Yourcenar, ses traits de caractère autant que la substance de ses textes, Henriette Levillain tombe parfois dans l’écueil de la répétition, défaut inhérent à la forme choisie qui ne lui est pas directement imputable.

 

Dans ce livre mosaïque, chaque piste thématique est-elle un aiguillon destiné moins aux familiers de Yourcenar qu’au néophyte avide d’aller plus loin dans sa connaissance et sa compréhension d’une œuvre polymorphe, complexe, parfois mystérieuse, souvent taxée d’élitisme et de néo-classicisme, mais forte d’une rare justesse dans son traitement de la matière humaine

 

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