Un ouvrage utile pour l’étudiant comme pour toute personne désireuse de se tourner vers une approche quantitative de l’histoire.

Saviez-vous « qu’au moins 65 291  personnes » sont décédées pendant le siège de Paris, en 1870 ? Que la valeur énergétique de la ration officielle d’un homme adulte en mai 1944 n’était que de 898 Cal à Paris ? Que les Français consommaient 219 litres de vin par personne en 1875, contre seulement 45,4 l en 2008 ? Qu’en 1946, 22,8% des logements ont des WC en commun avec des tiers ? Que dans la seule journée du 22 août 1914 pas moins de 27 000 soldats français sont morts en Lorraine ? Que la part des paiements par chèques dans les transactions est passée de 56,6% en 1991 à 18,2% en 2010 ? Que 10 à 12 000 Alsaciens-Mosellans ont opté en 1871 pour la nationalité française et sont partis s’installer en Algérie ? Que 13% des soldats métropolitains morts pendant la Guerre d’Indochine l’ont été de maladies ? Que la France a commis des crimes de guerre coloniaux à Madagascar en 1947 et au Cameroun en 1956 (2000 morts en décembre) ?

Au premier abord une telle énumération pourrait laisser penser que La France en chiffres, de 1870 à nos jours se rapproche des ouvrages de type « Quid », ces ouvrages encyclopédiques en un seul volume à parution annuelle qui ont existé de 1963 à 2007 et ont accompagné l’adolescence de nombre d’entre nous. Heureusement, les auteurs ont veillé à ce qu’une ligne éditoriale dirige la conception de l’ouvrage et que celui-ci puisse servir de point de départ pour de plus amples recherches. Non seulement les sources des différents tableaux sont données, mais une bibliographie permet d’approfondir chaque point. Lorsqu’il existe une controverse, par exemple sur l’ampleur du massacre du 17 octobre 1961, plusieurs références sont données (dans le cas présent, les livres de Jean-Luc Einaudi et Jean-Paul Brunet).

L’ouvrage est divisé en cinq parties : « démographie », « économie », « société », « politique » et enfin « guerres et crises ».  Ces parties sont ensuite divisées en trois à huit chapitres et un « focus », à la fin de l’ouvrage, traite spécifiquement de la colonisation. Les textes introductifs sont bien sûr essentiels pour contextualiser les tableaux et autres données chiffrées. Comme c’est rappelé au début de la partie consacrée à la politique, « les chiffres sont le fruit d’une construction ». Les chiffres donnés pour les référendums et élections, venant en général du ministère de l’Intérieur n’ont pas le même statut que ceux sur le vote des femmes (avec des différences notables entre femmes actives, « ex-actives » ou femmes au foyer) ou le vote en fonction des croyances religieuses, qui s’appuient sur des sondages. De même, pour le chapitre sur les mouvements sociaux (toujours dans cette partie sur la politique), on trouvera les chiffres des organisateurs et ceux de la police.

Sur certains sujets comme l’affaire Dreyfus, qui fait l’objet d’un chapitre à part de six pages dans la partie sur les guerres et les crises, le livre apporte une information très complète, alors que sur « l’islam en France », les données sont assez parcellaires, sans doute parce que celui-ci s’est récemment développé. Parfois on pourra s’étonner de quelques formules un peu rapides, comme, à propos du cinéma « inventé en France, à Lyon, par les frères Lumière »   .

 

Malgré la richesse de l’ouvrage et la bonne accessibilité de l’information, trois réserves méritent d’être formulées. On trouve dans la partie sur la démographie des pyramides des âges à peine lisibles, qui semblent de pâles copies de livres des années 1950 (à peine lisibles). Certains tableaux auraient pu être remplacés par des graphiques (histogrammes, répartitions au sein d’un disque etc.). Par ailleurs, il est regrettable qu’aucun index ne soit proposé, pour trouver par exemple rapidement les données sur « la France terre d’asile », dans la partie « Démographie »   , mais aussi liées aux « guerre et crises » ou à la « société ». Un tel livre mériterait enfin d’être complété par un site en ligne, car c’est bien avec l’internet que cet énorme travail trouverait sa plus juste diffusion. Dans l’avant-propos, les auteurs s’opposent justement à l'internet, en critiquant le temps perdu à vérifier la crédibilité des sources ; il eut sans doute été préférable de miser sur la complémentarité entre le livre et le site en ligne pour que ce livre devienne vraiment un ouvrage de référence